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De Marcel NUSS Président de l’APPAS : En toute illégalité, l'accompagnement sexuel et l'hypocrisie française

Marcel NUSS President Fondateur de l APPAS et Jill NUSS a Nime en Aout 2014Du 15 au 18 septembre prochain, l'Association Pour la Promotion de l'Accompagnement Sexuel organise la quatrième formation pour futur(e)s accompagnant(e)s à la vie affective, intime, sensuelle et/ou sexuelle des personnes en situation de handicap ou de perte d'autonomie. Lors de cette session, nous formerons huit personnes, quatre hommes et quatre femmes - dont un couple, ce qui est une première.

Quatre formations se sont déroulées en 18 mois, qui ont permis d'accueillir 36 stagiaires au total, dont 40% d'hommes. Dans le même temps, l'APPAS vient de dépasser les 400 demandes d'accompagnement sexuel, parmi lesquelles seulement quelque 20% ont pu obtenir une réponse positive -dont seulement 5% de femmes environ- du fait d'un manque et d'une répartition encore très inégale des accompagnant(e)s sur le territoire, ainsi que de leur âge -les deux tiers ont plus de 40 ans alors qu'au moins la moitié des personnes qui souhaitent bénéficier d'un accompagnement sexuel a entre 20 et 30 ans.

Bien évidemment, tout cela se pratique toujours dans la plus totale illégalité et... en toute transparence. L'APPAS fait tranquillement du proxénétisme bénévole dans une société qui se voile allègrement la face car les politiques, la justice et les opposants historiques -certains mouvements féministes radicaux et les mouvements antiprostitutionnels qui font du prosélytisme populiste- sont bien embêtés par la situation. Au point de préférer la politique du "qui ne dit mot consent" à un discrédit certain en cette aube du XXIe siècle.

À cette situation aussi ubuesque que surréaliste s'ajoute désormais, depuis le mois d'avril dernier, la déplorable (à mon sens) pénalisation des clients. En effet, nonobstant l'incohérence législative -comment peut-on condamner quelqu'un qui a recours à une activité légale, en l'occurrence la prostitution?- qui osera pénaliser une personne handicapée bénéficiant d'un accompagnement sexuel? Personne bien sûr, sauf à vouloir se ridiculiser et se retrouver devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

Courage fuyons. Il est vrai que pour obtenir la reconnaissance officielle du Mariage pour tous, cela aura été très mouvementé, hystérique et pathétique (des euphémismes), tant les intégristes moralisateurs et dogmatiques d'un certain catholicisme, alliés à un certain féminisme, ont tout essayé afin d'empêcher le vote de cette loi humaniste indispensable dans une société de progrès qui défend les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité -du moins en apparence pour certain(e)s.

"Soit, je suis proxénète bénévole et je l'assume, je le revendique même."

Soit, je suis proxénète bénévole et je l'assume, je le revendique même. Car cette situation liberticide, aux conséquences inhumaines parfois, est aussi désolante qu'intolérable à mes yeux, au regard de la souffrance, du désarroi, voire de la détresse que l'APPAS ne cesse de rencontrer sur le terrain. En refusant la légalisation de l'accompagnement sexuel, c'est à la liberté individuelle et au droit privé que l'on s'attaque sans vergogne, de surcroît avec des arguments spécieux voire mensongers et une intolérance évidente.

"J'en veux juste pour preuve la réponse de Caroline de Haas, féministe antiprostitutionnelle notoire, à une question de Rokhaya Diallo, dans l'émissionAlter-égaux du 12 mars 2015. En résumé, cette dernière lui demande (à la 27e minute environ de la vidéo) ce qu'elle fait de la liberté des professionnel(le)s du sexe volontaires et autonomes, pour s'entendre répondre, après une certaine insistance, par une Caroline de Haas à bout d'arguments, qu'elle n'a pas de solution pour protéger les unes (les prostituées victimes d'exploitation; d'hommes et de mineurs il n'est pas question, probablement parce qu'ils sont trop peu nombreux pour qu'on en parle) tout en respectant le choix des autres (les professionnel(le)s du sexe, puisque c'est ainsi qu'ils et elles se définissent).

En conséquence de quoi, elle préfère soutenir une législation discriminante favorable à la majorité, quitte à ce que ce soit au détriment de la minorité, plutôt que de ne rien faire. Comment ne pas rester pantois devant une telle argumentation? Jusqu'où peut aller l'intégrisme ou la radicalité dogmatique... dans un pays prétendument républicain et démocratique? Exclure les minorités, c'est tellement plus simple pour la majorité! C'est une vérité vieille comme le monde mais rarement exprimée aussi clairement.

Un tel positionnement est du même ordre que celui qui consiste à dire que l'on est pour l'accompagnement sexuel à condition qu'il soit bénévole; ou à prétendre, comme je l'ai entendu avec consternation, que les personnes accompagnées prennent des risques à se retrouver seules dans leur chambre avec un(e) accompagnant(e) sexuel(le), que le sexe pour le sexe ce n'est pas gratifiant, etc. En fait, où est le dialogue lorsque l'on a affaire à une rhétorique pareille, truffée de contrevérités, de non-sens, de mauvaise foi, le tout en ayant évidemment un discours sans nuance qui généralise, puisque l'on a l'outrecuidance de penser à la place des autres? Comment trouver un terrain d'entente dans ces conditions? (1)"

En fait, aujourd'hui, la question qui se pose principalement est, me semble-t-il: combien de temps faudra-t-il encore afin d'obtenir la reconnaissance officielle de l'accompagnement à la vie affective, intime, sensuelle et/ou sexuelle des personnes en situation de handicap ou de perte d'autonomie, en France ? Parce que, d'évidence, ce n'est qu'une question de temps, de courage politique et d'intelligence du cœur.

En effet, il me semble impensable, impossible même, qu'une exception à la loi sur le proxénétisme ne voie pas le jour, tôt ou tard, dans une Europe où un grand nombre de pays ont déjà légalisé, parfois depuis plus de 30 ans, un type d'accompagnement très spécifique qui est, certes, une forme de prostitution mais dont les bienfaits ne sont plus à démontrer. Nous ne cessons d'en avoir la preuve à l'APPAS depuis 18 mois.

La liberté a un prix, nous ne pouvons pas ignorer cette réalité du fait d'un engagement -bénévole, je me répète- de tous les instants, intense, prenant, épuisant et décourageant quelquefois, de plus en plus débordé par l'ampleur des attentes et des besoins, car l'association manque cruellement du nerf de la guerre: l'argent, sans lequel il est impossible de répondre autant et aussi bien que le souhaiteraient les membres de l'APPAS.

Pour autant, le renoncement n'est pas à l'ordre du jour, loin s'en faut. Avis aux candidat(e)s à l'élection présidentielle de l'année prochaine..
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(1) Extrait d'un ouvrage collectif dirigé par Marcel Nuss à paraître: "Handicaps et sexualités: accompagnement à la vie, intime, sensuelle et/ou sexuelle." Compte Facebook ou Twitter

Catégorie : PÉTITION & TRIBUNE LIBRE
Publication : 13 September 2016
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