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Ségolène NEUVILLE La gauche doit continuer à porter une politique émancipatrice pour les personnes handicapées

Segolene NEUVILLE Secretaire d etat en charge des personnes handicapes et de l exclusionDans cette tribune, Ségolène NEUVILLE réagit aux différents appels de collectifs et associations qui ont interpellé les candidats à la présidentielle pour mettre le handicap au cœur de la campagne - appel lancé par l’Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH), mobilisation de l’Association des paralysés de France (APF), ou encore lettre ouverte aux candidats signée par une quinzaine de personnalités à l’initiative de Philippe CROIZON et suggère à la gauche de nouvelles propositions en matière de politique du handicap pour la campagne présidentielle.

Les thèmes populistes saturent l'espace politique et médiatique à la veille de l'élection présidentielle et l'on n'entend plus –ou si peu– parler du handicap. Parce qu'il s'agit d'affirmer les droits et la citoyenneté des personnes concernées, le sujet exige pourtant un combat de tous les instants; parce que la façon dont il est appréhendé en dit long sur le projet de société que l'on défend, la question du handicap nous est collectivement essentielle.

C'est pourquoi, dans le prolongement de l'appel lancé par l'Association pour adultes et jeunes handicapés (Apajh), de la mobilisation de l'Association des paralysés de France (APF), ou encore de la lettre ouverte signée par une quinzaine de personnalités à l'initiative de Philippe CROIZON, je demande à mon tour à ce que la question du handicap soit placée au cœur des débats préélectoraux.

Depuis cinq ans, nous avons œuvré pour mettre en œuvre les promesses de la loi fondatrice de 2005. Depuis cinq ans nous n'avons eu de cesse de faire de la question du handicap une question transversale, intéressante tous les domaines de la vie et nous avons lutté pour que les personnes handicapées puissent sortir du monde qui leur était réservé, à l'écart, dans les institutions.

Depuis cinq ans nous avons voulu bâtir un modèle de société ouvert et accueillant à la différence, un modèle de société où le devoir de tous et en premier lieu de la puissance publique est d'offrir à chacun les moyens de son émancipation. Depuis cinq ans, et j'en suis fière, nous avons mené une politique de gauche.

Cette vision est radicalement différente des projets de ceux qui ambitionnent pour notre pays une politique du handicap compassionnelle et rance, se bornant à ouvrir des places ainsi qu'à assurer un minimum social spécifique (payé en francs si l'on suit bien les propositions d'une certaine candidate) et des aides de compensation. Les personnes handicapées ne veulent pas une aumône pour solde de tout compte.

Cette vision n'est pas non plus compatible avec les projets de certains candidats (souvent les mêmes) de baisser le nombre de fonctionnaires et de privatiser notre système de protection sociale, en un mot de renvoyer les individus dos à dos plutôt que de construire une société émancipatrice. Elle l'est encore moins avec les projets de ceux qui considèrent que la différence est un danger.

Comme Secrétaire d'État, je tiens à rappeler que le Gouvernement, depuis 2012, n'a eu de cesse d'agir pour une meilleure intégration sociale des personnes en situation de handicap, et aussi pour qu'elles aient, comme tout le monde, la possibilité de faire des choix libres pour leur vie. Aussi j'appelle solennellement à ce que la dynamique enclenchée depuis cinq ans soit entretenue et amplifiée pour que définitivement la loi de 2005 ne soit plus une promesse, mais une réalité.

Notre action a permis, entre autres, de rendre l'école plus inclusive, avec 280 000 élèves en situation de handicap accueillis dans les écoles de la République, aux côtés de leurs camarades valides, soit une augmentation de 30 % par rapport à 2011. Nous avons professionnalisé l'accompagnement et nous sommes engagés à offrir des contrats durables aux assistants de vie scolaire.

La scolarisation des enfants accueillis en établissements médico-sociaux a également évolué. À titre d'exemple, on peut mentionner la création de 110 unités d'enseignement à l'école maternelle pour les enfants autistes depuis la rentrée 2014. Il faudra désormais aller plus loin et reconnaître à tout enfant de la République, handicapé ou pas, le droit à une scolarisation assurée par le ministère de l'Éducation nationale. Pour cela l'École de la République doit s'adapter, pour être plus accessible, pour former les enseignants à l'accueil des élèves handicapés.

Nous avons fait de l'intégration professionnelle des travailleurs handicapés une priorité. Un effort considérable a été produit en matière de formation et de valorisation du travail. 79/000 demandeurs d'emploi en situation de handicap ont ainsi bénéficié en 2016 du plan "500.000 formations supplémentaires".

Depuis 2012, 3500 postes en entreprises adaptées ont par ailleurs été ouverts et l'engagement de l'État à en créer 5000 autres d'ici à cinq ans vient d'être pris. Nous avons également assuré le développement de nouvelles formes d'aménagement spécifique du poste de travail avec le dispositif d'emploi accompagné, lequel favorise l'insertion en entreprise classique via un soutien et du salarié, et de l'employeur.

Depuis janvier 2016, la prime d'activité constitue aussi un complément de revenu important pour les travailleurs handicapés (122 euros mensuels en moyenne) et a bénéficié a plus de 54.000 travailleurs handicapés. Cette politique est la bonne; il faudra l'amplifier. Aujourd'hui les personnes handicapées représentent 8 % de la population active; rien ne justifie que le seuil obligatoire imposé aux entreprises et aux administrations soit de 6 % de leur masse salariale: la cohérence commanderait de fixer ce seuil à 8 %. Mais cela ne suffira pas, les moyens consacrés à l'accompagnement des travailleurs handicapés devront être renforcés pour que les entreprises et les administrations puissent profiter pleinement de leurs compétences. Enfin, il sera nécessaire de prendre les textes qui s'imposent pour rendre accessibles les lieux de travail.

En parallèle, nous avons renforcé les dispositifs d'accompagnement médico-sociaux. Depuis 2012, on compte ainsi 23.737 nouvelles places pour enfants et adultes en situation de handicap. Dans le champ de l'autisme, un budget de 205 millions d'euros permettra à terme la création de près de 4000 places dédiées en établissements et services médico-sociaux.

Nous nous sommes attaqués, pour la première fois, au problème des départs contraints à l'étranger en obligeant tous les acteurs à rechercher des solutions sur le territoire national et en y consacrant des crédits supplémentaires. C'est en diversifiant de la sorte les modes d'accompagnement proposés que les personnes pourront choisir plus librement le mode de vie qui leur va bien, plutôt que de faire avec une offre type qui, bien souvent, ne correspond pas à leurs souhaits.

Ce devoir d'œuvrer pour l'émancipation des personnes handicapées est un beau projet; il faudra poursuivre une politique résolue en faveur de l'habitat inclusif, c'est-à-dire une politique qui permette aux personnes handicapées de trouver les modes d'accompagnement adaptés pour pouvoir occuper un logement autonome. Ce retour des personnes handicapées dans la vie sociale commune ne pourra se faire sans les accompagnements nécessaires, c'est la raison pour laquelle le secteur des services à domicile doit être modernisé et mieux valorisé.

L'accès "à tout pour tous" a été l'axe central de l'ensemble des politiques menées depuis cinq ans. Au quotidien, il s'exprime pour nombre de personnes handicapées dans la possibilité de franchir le pas d'une mairie, d'un commerce, ou encore d'un musée.

C'est la raison pour laquelle nous avons créé les agendas d'accessibilité programmée – les Ad'AP – pour faire en sorte que les gestionnaires d'établissements recevant du public procèdent aux aménagements nécessaires dans des délais courant, la plupart du temps, sur une période maximum de trois ans. Les premiers résultats sont déjà là: 384 000 établissements sont accessibles et 593 000 autres ont fait l'objet d'un Ad'AP.

S'agissant du numérique, la loi impose désormais la mise en accessibilité aux personnes aveugles et malvoyantes des sites Internet des organismes publics, des organismes privés délégataires d'une mission de service public et des plus grandes entreprises. S'agissant de la vie démocratique et de l'élection présidentielle, le débat d'entre deux tours sera pour la première fois traduite en langue des signes française, et nous commençons à traduire en facile à lire et à comprendre les exposés des motifs des lois.

Quant à la documentation électorale, elle sera disponible dans un format accessible aux personnes aveugles et malvoyantes équipées d'un logiciel de lecture d'écran. Il est nécessaire que la pleine citoyenneté des personnes handicapées soit reconnue et que, dans notre pays, les prochaines élections soient accessibles à tous, sans restriction d'accès aux informations électorales et plus encore sans plus aucune limitation du droit de vote. Plus généralement, il faut que la question de l'accessibilité cesse d'être la question de quelques-uns; à l'avenir toutes les lois, qu'elles concernent la culture, le sport, les entreprises ou d'autres domaines encore, devraient comprendre un titre spécifique sur l'adaptation des dispositions législatives aux personnes en situation de handicap.

Enfin et parce que les premiers acteurs de la politique du handicap aujourd'hui sont les familles – ce sont elles qui coordonnent les parcours de leurs proches handicapés, elles qui doivent faire face aux complexités inhérentes à notre système de protection sociale – il faudrait mieux les soutenir. Cela pourrait passer par la création, dans toutes les MDPH, d'un service exclusivement dédié au soutien des familles; ce service leur offrirait toutes les informations nécessaires et les accompagnerait dans toutes les démarches nécessaires.

Et puis, parce qu'il faut le dire, la première des exigences que nous devons à nos concitoyens est celle du respect; c'est la raison pour laquelle je propose que soit étudiée la possibilité de condamner ceux qui par un usage déplacé utilisent les mots du handicap de manière humiliante ou blessante pour les personnes. Il n'est plus possible en France aujourd'hui de librement utiliser des insultes homophobes, et c'est heureux. Demain, il serait heureux qu'on ne puisse plus utiliser le vocabulaire du handicap pour humilier ou blesser.

Le handicap, absent de la campagne présidentielle ? Ce serait dramatique, car ce serait à nouveau considérer qu'il s'agit d'un sujet spécifique, pour une population particulière, ce serait refermer la porte que pendant cinq ans nous n'avons cessé d'ouvrir. Être de gauche, c'est considérer qu'une société se juge au sort qu'elle réserve aux plus fragiles. Aussi, comme femme de gauche, je continuerai à lutter pour que la question du handicap ne soit jamais ignorée, car ce qui caractérise les combats pour l'émancipation c'est qu'ils ne connaissent pas de répit.

Par Ségolène NEUVILLE
Secrétaire d’État aux Personnes handicapées et l’exclusion

Catégorie : PÉTITION & TRIBUNE LIBRE
Publication : 21 March 2017

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