L’État Français et le Laboratoire Servier sur le banc des accusées celui scandale sanitaire face 2 684 parties civiles
Près de 30 ans après l’affaire du sang contaminé qui avait vu plusieurs ministres jugés devant la cour de justice de la république et devant les tribunaux pour les médecins. Le procès qui s’ouvre aujourd’hui pour une durée de six mois, concerne le Médiator, un coupe-faim vendu comme un antidiabétique. Face aux 25 accusés, et plus 2600 parties parties civiles ainsi qui a dévoilé ce scandale sanitaire, la pneumologue du CHU de Brest, Irène FRACHON qui sera l’une des 100 témoins dans ce procès. Si bon nombre sont encore vivants les conséquences de la prise de ce médicament auront causé des dégâts considérables et provoqué la mort de 500 à 2100 personnes selon les études.
Qui sont les accusées dans ce procès hors normes ?....
Près de 30 ans après l’affaire du sang contaminé qui avait vu plusieurs ministres jugés devant la cour de justice de la république et devant les tribunaux pour les médecins. Une procédure qui aura pris fin en 2003 par un non-lieu pour les ministres et les autres accusées. Une affaire résumée par une formule devenue célèbre « responsable mais pas coupable » prononcé par l’ancienne Ministre socialiste des Affaires sociales, Georgina DUFOIX.
Trois décennies plus tard les accusées et prés de plusieurs années d’instruction et de nombreux recours se sont 25 prévenus qui sont renvoyés en correctionnelle dont 11 personnes morales telle que le groupe Servier mais aussi l'Agence du médicament. Auquel s’ajoute 14 personnes physiques, composée essentiellement d'anciens cadres dirigeants du groupe Servier, qui devra répondre de sept infractions, dont "escroquerie" au préjudice de la sécurité sociale et des mutuelles.
Mais aussi des hauts fonctionnaires de l'agence du médicament, qui travaillaient pour le groupe Servier et sont poursuivis pour « prise illégale d'intérêt ». Mais aussi l'ancien directeur de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) Claude GRISCELLI accusé, de « trafic d'influence » tout comme l'ex-sénatrice Marie-Thérèse HERMANGE de « complicité », sont soupçonnés tout deux d'avoir usé de leurs réseaux pour ralentir l'enquête.
« C’est une histoire de fou, une histoire d’argent, une histoire de crime industriel. Qu’ils nous disent ce qu’il s’est passé est totalement scandaleux, délictueux, criminel, et doit être sanctionné de façon exemplaire pour qu’on se dise ‘ce n’est pas possible », insiste Irène FRACHON qui sera l’une des nombreux témoins appelé à la barre. Un procès dont elle affirme qu’ils risquent de ne pas être le dernier face a des Laboratoires comme Servier « leur commerce du médicament comme s’ils vous vendez un kilo de pomme de terre ».
Le Docteur Dominique Michel COURTOIS, Président de l'AVIM, se réjouit lui de l’ouverture de ce grand procès pénal, auquel « il a toujours cru et pour lequel il s'est battu, malgré l'attitude défaitiste de beaucoup de victimes et d'autres associations de victimes du Médiator ». Depuis les premières indemnisations en 2012, les laboratoires Servier ont versé près de 164 M€ à 3 000 malades du Mediator. Environ 600 autres patients ont reçu une offre et sont actuellement en train de l'étudier. Dans le détail, le montant de cette indemnisation varie en fonction du malade, mais peut s’établir à plusieurs centaines de milliers d’euros lorsque celui-ci est atteint d’une grave pathologie cardiaque.
Pour la députée européenne « Certes, en dix ans, les agences sanitaires infiltrées par les pharmaco-délinquants ont été refondées. Mais Servier continue à vendre des médicaments, à influencer les décideurs, à faire du chantage à l’emploi... et à vendre de controversés médicaments »
Parmi les autres associations qui seront parties civiles France assos santé qui déclare attendre beaucoup de ce procès hors norme afin notamment de « pointer les nombreux dysfonctionnements, toujours à l’œuvre, en matière d’évaluation et d’expertise des médicaments. Et demander réparation pour les nombreuses victimes qui ne l’ont pas encore étaient ».
Côté Victimes elle sont nombreuses…
Comme Annie, par exemple, qui est venue de Nice avec son mari Georges. En fauteuil roulant, elle a du mal à s'exprimer. Alors Georges résume après avoir passé les contrôles de sécurité : « Elle veut témoigner pour tous ceux qui n'ont plus la chance de pouvoir témoigner ». Il y a Jocelyne aussi d'Amiens. Jojo pour les intimes dont le mari Gaëtan a eu « la vie bousillée par cette saloperie de Servier ». Pour l'occasion, toute la famille a fait le déplacement. Tous ignorent comment le procès va se tenir. Ils n'ont fait aucun plan pour les 6 mois d'audience. Mais promettent tous « On sera là aussi longtemps qu'il le faudra... ». Pour Jean-Pierre FRAYSSE « Pour nous les victimes de Servier le refus de reconnaître toute l'amplitude de leur responsabilité est terriblement douloureuse » affirmant qu’a la barre du Tribunal « je vais essayer d'arguer au mieux notre angoisse face aux médicaments ! »
C’est quoi le médiator et pourquoi ce scandale sanitaire ?....
Avant son retrait du marché en 2009, le Mediator aura été prescrit pendant 33 ans à cinq millions de personnes en France. Il est aujourd’hui tenu pour responsable de plusieurs selon les études entre 500 et 2100 séraient morte, d’autres son atteinte de graves pathologies, hypertension pulmonaire artérielle et valvulopathies cardiaques notamment. Le Médiator vendu comme un antidiabétique souvent prescrit comme coupe-faim, provient d’une molécule, le benfluorex, dérivé de l’amphétamine. Le groupe Servier qui a très tôt compris le potentiel, en misant a partir des années 1960 sur le marché de l'amaigrissement. Il lance un premier coupe-faim, le Pondéral, puis l'Isoméride, le Mediator fait lui son apparition à partir de 1979.
Alors que pourtant de nombreuse alerte avait étaient lancé en 1998 par les autorités Suisses, ou en 1999 par un Cardiologue de Marseille. Alors que celui-ci avait été retiré a partir de 2003 en Espagne a la suite premier cas de valvulopathie, Il faudra attendre 2007 pour que ce scandale sanitaire, soit révélé par la pneumologue Irène FRACHON. La pneumologue du CHU de Brest qui dans son livre raconte comment elle voit en consultation des malades qui ont des valvulopathies et fait le lien avec les lésions au cœur qu'elle a découvertes douze ans plus tôt, en 1997, quand elle était interne dans le service qui a mis au jour les méfaits de l'Isoméride. « J'ai passé énormément de temps à analyser des dossiers. Et cela m'a sauté aux yeux. Il était totalement incroyable que ce poison soit encore en circulation ! Je voyais des gens mourants, et j'ai vu le coupable ».
Malgré les nombreuses preuves scientifiques, Irene FRACHON aura de nombreuses difficultés à faire entendre ces craintes auprès de l’Agence du médicament. Elle obtient tout de même le retrait de ce médicament avec le soutien l'ancien député PS et professeur de médecine Gérard BAPT. En novembre 2010, Le Parisien titre à sa « une » : « le Médiator, 500 morts ». L'affaire tourne donc au scandale sanitaire.
Le Visage du Médiator, celui des victimes….
Le « tic tac tic tac » des battements de son cœur perturbe toujours ses nuits. « C’est comme le réveil avalé par le crocodile dans Peter Pan », parvient-il à plaisanter. Mais dix ans après son opération à cœur ouvert, Bernard NICCOLI dort toujours très mal. Il ne s’est pas habitué au cliquetis de la valve mécanique qui lui a été implantée pour remplacer sa valve aortique, indispensable à la bonne circulation sanguine. Elle a été détruite par quatre ans de prise du Mediator.
Tic-tac. Tic-tac c'est également le bruit que fait la valve en carbone implantée dans le cœur de Corinne HOLLANDER. On l'entend seulement quand le silence est complet autour d'elle. « Un jour, on m'a demandé si c'était ma montre. Il y en a que ça gêne. Pas moi. Aujourd'hui, je suis en vie grâce à cela », estime la quinquagénaire qui habite près de Saint-Omer (Pas-de-Calais). De cette opération à cœur ouvert, nécessaire pour remplacer la valve mitrale, subsiste une mince cicatrice dans l'encolure en V de son pull gris. Celle que Marc DANTAN est venu photographier, pour son livre Visages du Mediator, publiée (éd. Prescrire), juste avant l'ouverture du procès. Et des blessures invisibles. « J'ai eu la chance d'avoir été prise à temps. J'aurais pu ne plus être là », souffle Corinne HOLLANDER. Ses mains se referment sur le rose bonbon de ses ongles manucurés. Les larmes lui montent aux yeux. « J'ai du mal à en parler » sa voix s'étrangle. « Heureusement qu'il est là », dit-elle en désignant son mari, assis à sa gauche. « Je suis allé la voir à l'hôpital. Dans sa chambre, il y avait des tuyaux partout. C'est quand même une épreuve assez difficile », se remémore Jean-Marie HOLLANDER. Il se tourne vers sa femme.
Stéphane LAGOUTIÉRE
Sources : Irène FRACHON / Michele / Parquet de Parris / Edition prescrire 2019
Publication : 23/09/2019