Hakim AREZKI : Son extraordinaire revanche sur la vie, après avoir reçu une balle explosive dans la tête.
Il était étudiant à l’époque et. Il manifestait dans la rue avec des milliers d’autres, jusqu’à ce que les forces militaires algériennes dissipent la foule de façon sanglante, en leur tirant dessus à balles réelles. Découvrez l’histoire hors du commun d’Hakim AREZKI, qui est littéralement revenu d’entre les morts pour se reconstruire et devenir athlète de haut niveau dans l’handisport. Un jeune garçon qui après les témoignages François, Alice ou Christine Sébastien JOACHIM a été prendre le sentiment sur sa perception de la société française.
Hakim AREZKI : Ma deuxième naissance…
J’ai 18 ans, lorsque le 27 avril 2001, mon existence bascule à jamais, le jour fatidique où, une bonne partie de ma vie s’achève. Je suis alors étudiant à Tizi-Ouzou en Algérie. Mes camarades et moi sommes descendus dans la rue. Au début il n’y avait que nous. Puis très vite, toute la jeunesse kabyle nous a rejoint pour manifester. Nous sommes là, ensemble, pour revendiquer notre liberté, nos droits, une meilleure justice et la reconnaissance de la langue tamazight. Elle est celle de toute l’Afrique du nord. Et à travers elle, la reconnaître ce serait reconnaître enfin, les vraies origines de ce beau pays qui est le nôtre. Aussi loin que puisse remonter notre histoire et depuis la nuit des temps, les berbères ont vécu sur ce territoire en hommes libres. Libres de pratiquer la culture de leurs propres aïeux.Je n’ai absolument rien contre les autres langues et traditions, bien au contraire. C’est selon moi une richesse et une ouverture vers le monde. Mais en revanche, je ne veux pas que ce soit au détriment des miennes, des nôtres.
Je parle-là de l’arabisation de notre nation, de la mise à mort de toute une génération, de la confiscation de notre histoire, de nos origines, notre libre-arbitre, par ces tirants qui nous gouvernent. Ils ont transformé notre peuple en un troupeau malade et en perdition, dans lequel les meilleurs ont disparu, ont été exclus, d'une manière ou d´une autre ou vaincus. Dans lequel les médiocres ont pris des allures d’astres scintillants. « Je veux vivre et non survivre chez moi parmi les miens ! Oui ! Je suis algérien d’origine kabyle ! Et ma langue maternelle est le TA – MA – ZIGHT ! »
Mais je suis aussi français et fier de l’être. Je m’enorgueillis de porter un certain nombre de valeurs et de convictions, qui renforcent mon attachement à ce beau pays. Cette belle France qui m’a sauvé la vie. Elle m'a accueilli après avoir été laissé pour mort dans les rues algériennes de Tizi-Ouzou.
Ce vendredi 27 avril 2001, et durant plusieurs mois, la jeunesse kabyle se fait massacrer par un pouvoir mafieux et assassin. Les hommes dépêchés pour nous réprimer tirent à balles réelles sur la foule des manifestants. Ils y feront 129 morts et plusieurs milliers de blessés.
Je suis étendu là, inerte, après avoir reçu deux balles explosives. L’une a détruit ma cheville droite. Et l’autre a éclaté dans ma tête. Oui, vous avez bien lu, dans ma tête ! En entrant, les différentes parcelles du projectile me sectionnent les deux nerfs optiques, me plongeant dans une extrême souffrance, pendant plusieurs années, ainsi que dans le noir total et définitif.
« Rendu aveugle par des aveugles de cœur »
Je suis une preuve vivante de l’acharnement et de la persécution de mon peuple par des tirants criminels. Admis dans les hôpitaux algériens, je suis déclaré perdu et abandonné, avant que mon père ne me rapatrie vers mon second pays, pour recevoir des mois de soins intensifs. Quelques mois plus tard, au cours de cette année 2001, j´ouvre finalement des yeux aveugles sur une jeune vie complètement détruite, dévastée. C’est une chute libre et irrémédiable en enfer.
Aujourd'hui, je peux dire que cela a été extrêmement difficile de me relever et d’accepter qu’on m’aide à me remettre debout de nouveau. Ça a été un effort terrible de rééducation. Mais c’est pour essuyer les larmes de mes parents et des miens, pour leur redonner le sourire, que j'ai décidé de continuer à me battre pour m’en sortir. Et j’ai voulu prouver que même avec un handicap, on peut vivre et relever de nombreux challenges. Seulement, j’ai dû tout réapprendre, même les choses les plus simples comme manger et marcher. Accompagné au début, puis seul, pour finir par courir de nouveau. Cela a été long et douloureux. J'ai versé de nombreuses larmes et fait beaucoup de sacrifices.
J’ai dû envisager ma vie d’une manière complètement différente, en assimilant le braille et le français. Mais je suis allé bien plus loin et au-delà même. J’ai appris le métier d’accordeur de piano, puis j’ai travaillé pendant quatre ans, pour ensuite me lancer dans l’informatique, en tant que développeur d’applications : un nouveau défi ! Cependant, ma grande passion, c’est le Cécifoot, que je pratique au niveau international. Je suis devenu champion d’Europe et vice-champion paralympique à Londres en 2012.
J’ai tenu et je tiens toujours grâce à des efforts constants, mais pas seulement. Ce sont mes proches, qui m'entourent et me donnent le courage. Ce sont les rires de mes petites sœurs, qui me donnent la force. C'est la voix de mon père et celle de ma mère qui apportent volonté et joie à mon cœur.
Si je vous conte tout cela, c’est pour vous dire que ce n’est pas fini. Le handicap n’est pas une fatalité. Ce n'est pas une fin. Ne baissez pas les bras ! Ne renoncez pas à la vie ! Car en réalité, réussir à vivre libres et ensemble, c’est peut-être cela le vrai combat… »
Des photos et une histoire tirée d’une expo photos, qui vise à sensibiliser sur le handicap…
En 2017, l’Association SJKB (lutte contre la cécité) a mis sur pied une expo audio-photo intitulée « De l’Ombre à la Lumière ». Elle a pour but de sensibiliser et de changer les regards sur le handicap, de soutenir les personnes handicapées visuelles, en leur montrant à travers nos modèles, qu’ils peuvent s’accomplir et enfin de soutenir la recherche et le développement, notamment en levant des fonds reversés à l’INSERM de Montpellier pour aider à financer les recherches sur les maladies de la vue.
Cette exposition est un événement itinérant qui a été reçue en préfecture, dans l’enceinte de collèges dans une médiathèque ou encore lors du congrès de l’ARIBa (association des professionnels français de la santé oculaire). En deux ans, des milliers de personnes se sont arrêtées devant les témoignages de nos douze modèles, ainsi que devant leur portrait réalisé par Robin THUREL.
La création d’une nouvelle expo a commencé cette année…
Cette année, le SJKB se lance dans un nouveau projet d’expo audio-photo intitulé cette fois « Clin d’Œil à DBZ », reprenant le même principe que « De l’Ombre à la Lumière ». De nouvelles histoires et de nouveaux talents seront à découvrir tout en vous plongeant dans l’univers de Dragon Ball, une série animée qui existe et se renouvelle depuis les années 80. N’hésitez pas à nous suivre sur la page de l’Association SJKB et à inviter vos amis à la découvrir
Témoignage de Hakim
Par Sébastien JOACHIM
Publication : 08/04/2019