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Une prothèse comme dernier recours pour des victimes d’attentats à vivre debout ! Contre les mines

Un jeune pakistanaisComme beaucoup d'enfant, Ali Shah a perdu son genou gauche et la moitié de sa main droite l'an passé devant son école dans le nord-ouest du Pakistan, quand il a marché sur un engin explosif improvisé, arme de prédilection des talibans. A 13 ans, il réapprend à vivre grâce à une prothèse, tout comme des centaines d'autres civils blessés chaque année par des actes terroristes au Pakistan, pays où les handicapés sont habituellement méprisés et condamnés à rester chez eux.

« Je croyais avoir un problème au cœur »

Un adolescent qui devrait recevoir sous peu sa nouvelle jambe à l'Institut de science prothétique et orthopédique de Peshawar (Pipos), qui a soigné des milliers de survivants, la plupart gratuitement. Le jeune garçon, Ali, se souvient très bien du jour où il a perdu sa jambe : il retournait à l'école après le déjeuner, et avait devancé des camarades, arrivant avant eux à la grille de l'école, où l'engin a explosé.

« Quand il y a eu l'explosion, j'ai pensé que j'avais un problème au coeur, j'ai perdu connaissance, quelqu'un m'a emmené chez le docteur et là, je suis revenu à moi », raconte-t-il dans l'hôpital de Médecins sans frontières (MSF) où il est venu se faire soigner.

Conduit par son père jusqu'à un hôpital de fortune dans les zones tribales où il habite, l'adolescent a ensuite fait un exténuant trajet de 12 heures, en voiture, camionnette et bus, pour atteindre enfin Peshawar où des médecins lui ont sauvé la vie. Ses plaies ont été soignées pendant des mois, afin qu'elles cicatrisent suffisamment pour ajuster une prothèse, mais son chemin vers la guérison ne fait que commencer.

La peur de la différence !!!

« Le handicap est stigmatisé, et il y a la peur de devenir un fardeau pour ses proches, surtout pour les jeunes hommes qui sont censés faire vivre leur famille », souligne Shaista AZIZ, une porte-parole de MSF, qui gère plusieurs centres de traumatologie dans le nord-ouest du Pakistan. « Malheureusement, la plupart des gens pensent que si quelqu'un est handicapé, il devient un poids considérable pour sa famille et pour la société », renchérit le directeur du Pipos, Zia-ur-Rehman. Si l'usage militaire des mines antipersonnel diminue au niveau mondial depuis les années 90, le nombre de victimes civiles des engins explosifs improvisés a explosé selon l'ONG britannique Action on Armed Violence, notamment en Irak, Afghanistan et au Pakistan -- pays où les talibans ont pris les armes il y a une décennie. Autre ONG qui lutte contre ce fléau depuis des années au côté de Handicap international.

Un seul désir : Vivre normalement !

La clinique Pipos, fondée en 1981 pour soigner les victimes de l'invasion soviétique en Afghanistan, traite actuellement 10.000 patients par an, dont nombre de victimes d'attentats-suicides, d'engins explosifs improvisés ou de mines antipersonnel. La majorité des patients sont soignés gratuitement, grâce au financement du Comité international de la Croix rouge (CICR).

Souvent, souligne M. REHMAN, la prothèse permet de s'affranchir de l'opprobre lié au handicap. « Une fois qu'ils ont reçu leur membre artificiel (...) ici ou dans l'un de nos centres locaux, ils se sentent capables de mener à bien les actions de leur quotidien », souligne-t-il. « Ils sont assez confiants pour retourner au travail, à l'école ».

Pour Muhammed NABI, un jeune tailleur originaire de Kohat qui a eu la jambe gauche arrachée par un engin explosif, la prothèse s'est avérée une bouée de sauvetage. « Ça a été un incident éprouvant. Mais ensuite j'ai réalisé que je ne pouvais pas passer le restant de ma vie dans cette épreuve ».

« Avec ce membre artificiel, je pourrai, si Dieu le veut, vivre normalement ma vie et exercer mon métier », souligne-t-il, tout en s'entraînant à marcher avec sa nouvelle jambe dans le centre de rééducation de l'institut.

Un paysan ayant également perdu sa jambe gauche, Zeenat ALI, renchérit: « je veux redevenir normal, retrouver ma routine avec ma famille ». Avant de conclure qu'« Heureusement, ma femme m'a soutenu et on ne m'a jamais donné l'impression que j'étais devenu un fardeau », dit-il.

Un traumatisme à jamais...

Au-delà de la blessure physique, il faut prendre en compte l'important traumatisme psychologique dont souffrent nombre d'amputés, souligne Zahida PARVEEN, chargée du suivi des patients. « Parfois, les patients ont des sautes d'humeur. Et j'observe aussi des problèmes comportementaux, comme une tolérance affaiblie, une agressivité, etc », dit-elle. Dans certains cas, remplacer le membre manquant de suffit pas à redonner au patient l'autonomie voulue.

A long terme, certains patients « deviennent dépendants des autres », relève Zahida PARVEEN. « Même après avoir reçu une prothèse, ils n'essaient pas de participer aux activités de la vie quotidienne afin de se prendre en charge ». Le jeune Ali Shah est censé reprendre les cours dans l'école où il a été blessé. Il dit que cela ne l'empêchera pas de poursuivre son parcours scolaire. « Je veux achever mon éducation et ensuite servir mon village en devenant enseignant, pour éduquer les jeunes », assène-t-il.

Par Issam AHMED/AFP

Catégorie : REPORTAGE
Publication : 28/12/2015

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