L’ADAPEI de Maine-et-Loire relèverait « d’importants dysfonctionnements » dans gouvernance et sa gestion
La chambre régionale des comptes Pays de la Loire a contrôlé les comptes et la gestion de l’Adapei 49, association départementale de parents et amis de personnes handicapées mentales de Maine et Loire. Un contrôle qui fait suite à une enquête sur l’accompagnement des personnes handicapées vieillissantes. Dont la publication vient d'être publié, sur l’accompagnement des personnes handicapées vieillissantes. Un rapport dans lequel, la chambre aurait ainsi observé d’importants dysfonctionnements dans la gouvernance et la gestion de la structure.
L’ADAPEI 49 dont le rôle étant d’accompagnée les personnes en situation de handicap depuis l’enfance jusqu’à l’âge de la retraite. Une association départementale qui prend ainsi en charge plus de 1 200 enfants ou adultes bénéficient de ses services sous diverses formes : à domicile, en foyer ou encore par le travail. En septembre 2022, les listes d’attente, en moyenne 580 jours, faisaient état de plus de 700 personnes en attente de place. La chambre a observé d’importants dysfonctionnements dans la gouvernance et la gestion de la structure. Les dérives identifiées ou les dépenses évitables correspondraient au financement d’au moins cinq places par an pour enfants en institut médico-éducatifs.
D’importants dysfonctionnements dans la gouvernance et la gestion
Alors que le directeur général dispose de presque tous les pouvoirs, les contrôles du conseil d’administration sont insuffisants en matière de pilotage de la gestion. L’organisation de l’association est fragmentée au travers de 39 établissements ou services. Aucune de ces structures ne dispose de la personnalité morale, l’ADAPEI 49 ne constituant qu’une seule entité juridique. Les défauts de contrôle interne favorisent, en pratique, un pouvoir excessif des 23 directeurs d’établissement ou de service. 118 comptes courants étaient actifs en 2021. Les directeurs d’établissements et services disposaient, à l’appui de ces comptes, de 37 cartes bancaires nominatives plafonnées à 5 000 € par mois avec possibilité de retrait, ainsi que de nombreux chéquiers.
Entre 2017 et 2021, ces moyens de paiement laissés à leur entière discrétion ont, au minimum, permis le financement de près de 100 000 € de frais de restaurant au profit de quelques collaborateurs qui déjeunent, pour certains, presque quotidiennement aux frais de l’association. S’ajoutent de nombreuses autres irrégularités comme le paiement de frais de transport domicile/travail de certains directeurs ou de fréquents achats destinés à des moments de convivialité entre collaborateurs. Les dépenses ainsi réalisées par le biais de cartes bancaires ou chéquiers ne peuvent être reliées de manière certaine à l’objet de l’association ou à l’intérêt des usagers. Les cartes nominatives et codes confidentiels transmis à d’autres salariés lors du départ d’un porteur de carte illustrent un usage abusif et déresponsabilisé de ces moyens de paiement.
La chambre a en outre relevé la disparition de divers biens et équipements sans justificatifs (équipement numérique, électroménager, mobilier, etc.). Le circuit des achats s’exonère du principe de séparation des tâches : chaque Directeur décide, engage, achète, paie parfois, puis, dans certains cas, sort de l’inventaire les achats de la structure dont il a la responsabilité. Au regard de la multiplication des établissements et services et de cette concentration des pouvoirs, les risques d’erreur comme de fraude sont favorisés par un contrôle quasi-inexistant.
Au-delà des questions de régularité soulevées, l’organisation ainsi fondée sur des trésoreries distinctes et sur l’autonomie de chaque établissement ou service empêche toute rationalisation des achats. La chambre observe à cet égard, l’absence de respect des règles de la commande publique. Cette lacune altère autant la performance des opérations qu’elle expose l’organisme à des risques juridiques importants.
Gestion des ressources humaines « de sérieuses insuffisances »
Plusieurs défauts de sécurisation des procédures ont été relevés. Le plus sérieux concernait le recrutement des intervenants auprès des mineurs sans vérification correcte de leur casier judiciaire. Le contrôle de la chambre a néanmoins été l’occasion pour l’association de se conformer à cette obligation légale pour près de 300 salariés en contact direct avec des usagers mineurs. Le versement, au bénéfice de quelques directeurs, de près de 60 000 € par an d’indemnités d’astreinte non réalisées s’ajoute à la liste des avantages injustifiés. De même, plusieurs émoluments sans fondement juridique sont versés par le directeur général en l’absence de toute délégation l’y autorisant. Enfin, les salariés de l’association, comme l’encadrement supérieur, ne font l’objet d’aucune évaluation annuelle individuelle.
Situation financière « Un manque de lisibilité »
Si selon le rapport, l’ADAPEI du Maine-et-Loire présente un budget excédentaire sur toute la période examinée, apparaît confortable. Avec un budget d’exploitation de 56 M€, un résultat net de 1,9 M€ en 2021. Des ressources composées pour 70 % de financements d’origine publique, notamment par le Département et l’État respectivement de 6 M€ et 31 M€.
L’association utilise sa trésorerie fortement excédentaire pour financer, à hauteur de 3,3 M€ les deux SCI (Société civile immobilière) qu’elle détient à plus de 99 %. L’organisation choisie permet de confier aux SCI une partie de sa gestion immobilière puis de refacturer des loyers aux établissements, y compris pour des bâtiments amortis. Ce montage a pour effet, sinon pour finalité, d’une part de garantir une charge de fonctionnement facturable aux financeurs et d’autre part d’échapper à leur contrôle. Elle permet surtout à l’association de capter les intérêts des lignes de trésorerie accordées aux SCI. Ces ressources enregistrées par l’association permettent ensuite de financer le fonds de dotation.
Le fonds de dotation est un troisième véhicule juridique permettant de réaliser des opérations immobilières puis de refacturer, via des loyers, les établissements médico-sociaux bénéficiaires. Ce montage apparaît cependant discutable. En effet, ce fonds est exclusivement financé par l’association. Or, l’origine majoritairement publique des ressources de l’ADAPEI 49, contourne l’objectif du législateur interdisant le financement des fonds de dotation via des deniers publics.
La nécessité d’une « réorganisation en profondeur »
Tant au niveau du service de la qualité que celle de la performance des accompagnements. Certaines pratiques induites, pour partie, par le caractère parental de la structure, sont susceptibles de créer une distorsion importante avec le milieu dit « ordinaire » : cadeaux, nombreuses sorties, absence d’accompagnants bénévoles, tutoiement des adultes accompagnés, non sollicitation de l’entourage pour l’accompagnement aux sorties, etc. En effet, dans l’objectif de tendre vers un modèle plus inclusif, l’association devrait réinterroger ses pratiques afin de limiter les écarts de traitement avec le milieu ordinaire, qui peuvent être in fine des freins à l’inclusion.
Enfin, la performance de la gestion des établissements et services est à ce jour un aspect peu questionné par la gouvernance comme par la direction de l’association. Cette dimension doit devenir un objectif au service de la qualité des accompagnements proposés par l’ADAPEI 49. Dans cette perspective une réorganisation en profondeur doit être engagée pour professionnaliser la gestion de l’organisme et établir un cadre de fonctionnement à la hauteur des responsabilités et missions confiées. Dans cette perspective, les pistes d’amélioration présentées par l’association devront être réellement mises en œuvre et encore développées pour être à la hauteur des enjeux.
Stéphane LAGOUTIERE
Sources : CRC de Maine-et-Loire / Adapei 49
Publication : 30/06/2023