Relations conventionnelles entre l’assurance maladie et les professions libérales de santé, un constat d'échec
La Cour des comptes met en ligne, aujourd'hui 15 juillet 2014, un rapport sur les relations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professions libérales de santé demandé par la commission des affaires sociales du Sénat en application de l'article LO 132-3-1 du code des juridictions financières. La Cour qui dresse un constat d'échec, le constat est sévère : les mesures prises pour limiter ces dépassements ont été "tardives et trop limitées".
La Cour constate ainsi que le système conventionnel, profondément remodelé en 2004, n'a permis ni de régler les problèmes d'organisation des soins en ville, ni d'assurer l'accès des patients aux soins, ni de rééquilibrer la hiérarchie des rémunérations des professions de santé.
Le cadre et le contenu des politiques conventionnelles devraient être revus pour qu'elles contribuent à la rationalisation du système de soins et d'assurance maladie. La Cour assortit son rapport de 11 recommandations.
Elle estime que notamment que ce dispositif, « complexe et mouvant », n'a pas permis de réguler « la dépense d'assurance-maladie liée aux soins de ville » ou de « faire gagner en efficience l'organisation des soins ». Il n'a pas plus « répondu à l'évolution des besoins », liés notamment au vieillissement de la population et au développement des pathologies chroniques.
Que sont les dépassements d'honoraires ?
Une consultation chez un médecin généraliste coûte 23 euros. Son remboursement effectué par la sécurité sociale est de 15,1 €. Les tarifs pratiqués par les médecins exerçant en secteur 2 sont libres et fixés par le médecin. Si la consultation du médecin généraliste en secteur à honoraires libres est de 50 euros, la sécurité sociale remboursera 70 % de 23 euros au patient. C'est ce qu'on appelle le dépassement d'honoraires.
Les généralistes et les spécialistes du secteur 2, qui représentent respectivement une part de 9,5 % et de 43 % en 2013, sont autorisés à avoir recours à cette pratique depuis 1980, mais « avec tact et mesure ». Or, le dernier rapport de la Cour des comptes dresse le constat de forts abus de la part des professionnels du corps médical. En 2012, les dépassements d'honoraires des médecins représentaient environ 2,4 Md€, dont 250 M€ pour les omnipraticiens et 2,150 Md€ pour les spécialistes. De plus, les niveaux de dépassement ont augmenté : le taux de dépassement global des spécialistes est passé de 23 % en 1985 à 56 % en 2013.
Des volontés politiques souvent inopérantes
Depuis plusieurs gouvernements auront souvent tenté de limiter ses dépassements. Ainsi l'entrée des médecins en secteur 2 est limitée, la part des spécialistes exerçant en secteur 2 progressera de 30 à 43 % entre 1985 et 2013. La convention signée pour les actes cliniques et de pratiquer des dépassements maîtrisés pour les consultations en 2005 sera-t-elle aussi un échec. En 2009 1 322 médecins y avaient adhéré et 727 seulement avaient respecté leurs engagements. Autant dire un chiffre très faible comparé aux 100 000 médecins qui exercent.
Un même accord qui prévoyait la création d'un nouveau secteur pour les domaines de la chirurgie, de l'anesthésie réanimation et la gynécologie obstétrique. Le praticien de l'un des domaines concernés s'engageait notamment à réaliser au moins 30 % de ses actes au tarif opposable et à facturer les autres actes uniquement avec des compléments d'honoraires égaux à 50 %.
Les caisses devant participer au financement des cotisations sociales des praticiens concernés. Toutefois, les dispositions visant à créer ce nouveau secteur ont été abrogées par l'article 49 de la LFSS pour 2013, à la suite du changement de majorité. Ce qui fait dire à la Cour des comptes que "les tentatives de régulation ont été avortées".
Des résultats jugés trop timides
Peu après son élection en 2012, le chef de l'État et la ministre Marisol TOURAINE avait déclaré « faire de l'encadrement des dépassements d'honoraires, devenus dans certains cas insupportables, son premier objectif ». Les négociations qui reprennent en fin d'année aboutissent à deux dispositifs. Le contrat d'accès aux soins et une procédure de sanction des dépassements excessifs. Si le délai ne permet de juger l'efficience de ces nouveaux dispositifs, pour les sages c'est "un début de réponse dont l'impact reste à confirmer".
Une demande des Français pour limiter les honoraires
Selon le baromètre IFOP Santé 2014, les Français veulent améliorer l'accès à des soins de proximité. Pour l'immense majorité des sondés (85 %), les dépenses de santé ont augmenté : ils sont une bonne moitié à considérer que cette hausse a été forte. Des coûts supplémentaires injustifiés pour un bon nombre d'entre eux (76 %). Lorsqu'on propose aux Français des solutions pour les réduire, 9 sur 10 sont d'accord pour affirmer qu'il faut limiter les dépassements d'honoraires. Les sondés qui pensent que le prix de leur mutuelle est excessif ou qui craignent une hausse du reste à charge sont les plus nombreux à soutenir une telle mesure.
Mais la baisse des coûts ne doit pas de faire à n'importe quel prix. La qualité des soins ne semble pas devoir en pâtir, selon les résultats du sondage. Les Français sont à 89 % en faveur d'un réseau de professionnels de santé à des tarifs avantageux. Une moitié d'entre eux seraient prêts à payer ce service. Ils sont également nombreux (78 %) à se prononcer pour une structure de proximité qui regroupe plusieurs types de professions de santé dans un même lieu. Une telle mesure permettrait notamment de réduire les frais de déplacement des patients.
La Rédaction
Publication : 15/07/2014