La cour des comptes dénonce un trafique organisé des prestations sociale et manque de volonté politique
Le rapport publié le 8 septembre dernier présente les conclusions de la commission d'enquête de la Cour des comptes sur l'état de la fraude sociale en France, effectué a la demande de la commission des affaires sociales du Sénat. La cour des compte qui pointe le doigt dans ce rapport a la fois sur une fraude organisé identifiant 75,3 millions d’assurés sociaux pris en charge dans un pays de 67,1 millions d’habitants, ainsi que 7,7 millions de retraités «nés à l’étranger». Des arguments mise en avant par Charles PRATS délégué de l’Association professionnelle des magistrats dans un livre « Cartel des Fraudes » parue en 2020 au édition Ring. Une situation dont la cour dénonce notamment un manque de volonté politique et « des progrès trop lents », et réclame un « changement d’échelle indispensable ».
Des fraudes avérer…entre 14 et 45 Mds€
La commission y pointe notamment du doigt l'incapacité de la Sécurité sociale à contrôler le versement de ses prestations sociales. En 2019, les principaux organismes sociaux ont détecté 1 Md€ de préjudices à ce titre. Un chiffre qui représenterait la « face émergée de l'iceberg » selon le député EDI du Loir-et-Cher et rapporteur de la commission d'enquête sur la fraude sociale, Pascal BRINDEAU. Un montant qui connaît une augmentation continue. Les fraudes détectées se concentrent sur le revenu de solidarité active, la prime d’activité et les aides au logement pour les caisses d’allocations familiales (CAF). Les professionnels de santé et les établissements de santé pour les caisses primaires d’assurance maladie ou le minimum vieillesse pour les caisses de retraite. Mais aussi les reprises d’activité non déclarées pour Pôle emploi.
Pas de chasse aux pauvres! On connaît l’antienne. À chaque fois qu’on évoque la lutte contre la fraude aux prestations sociales, on vous la ressert toute chaude, emplie de bons sentiments. Ah, parlez-moi de la fraude fiscale, de l’argent des contribuables! Mais pas de chasse aux pauvres. . Une fraude ou l’assurance maladie semble pourtant particulièrement pointé du doigt avec plus de 573 000 carte vitale « fantôme ». Pour preuve dans son livre Charles PRATS un exemple sur les retraites « Aujourd’hui, c’est un Japonais qui doit avoir 117 ans, et en France c’est un Antillais. Mais je vous donne un scoop : il y a trois doyens de l’humanité qui sont toujours en vie, puisqu’ils sont à la Sécurité sociale française, et ils ont 128 ans ! En plus, nous en avons 252 qui sont âgés de plus de 120 ans… Ils sont au régime de Sécurité sociale des armées, ce qui signifie que nous avons toujours des régiments de la bataille de Verdun… En droits ouverts à l’assurance maladie en France, toujours selon la commission d’enquête parlementaire, nous avons environ 75 000 centenaires qui ont encore des droits ouverts à l’assurance maladie, alors que l’INSEE nous dit qu’il y en a 21 000 sur le territoire ».
Des contrôles encore trop souvent à posteriori…
Grâce à la professionnalisation croissante de cette activité, les résultats financiers de la lutte contre les fraudes augmentent année après année. Toutefois, en l’absence d’estimation du montant des fraudes pour la plupart des prestations, la portée des progrès réalisés ne peut être appréciée et l’impact des contrôles réalisés demeure faible.
La lutte contre les fraudes se concentre sur la recherche a posteriori des irrégularités, alors que celles-ci pourraient souvent être empêchées a priori, dès la gestion courante des prestations. Un changement d’échelle apparaît indispensable pour tarir les possibilités systémiques de fraude, mieux détecter les fraudes commises et sanctionner plus efficacement leurs auteurs sur le plan financier.. Selon Charles PRATS « 42 % des personnes qui bénéficient des prestations familiales sont des gens nés à l’étranger et 37 % des retraités sur le territoire national sont des gens nés à l’étranger ».
Un changement d’échelle et une réelle politique de contrôle…
Le principal enjeu est de tarir les possibilités systémiques de fraude, en passant d’un nombre réduit de contrôles a posteriori à une démarche de sécurisation systématique a priori de la gestion des droits et des prestations sociales, qui repose sur un système déclaratif trop ouvert dont le resserrement est nécessaire. Ce resserrement devrait concerner notamment les comptes bancaires sur lesquels sont versés les prestations. La conformité des facturations des professionnels et des établissements de santé à la réglementation et aux prescriptions médicales. Les assiettes salariales des droits sociaux déclarées par les employeurs, et les montants de ressources et les situations professionnelles déclarées par les bénéficiaires des prestations.
Les logements supportant des aides et les cartes Vitale. Un accent particulier devrait être mis sur l’objectivation et la résorption de l’important surnombre de bénéficiaires de droits ouverts – exercés ou non – à des prises en charge de frais de santé par l’assurance maladie. Auquel s’ajoute une réelle recherche et la mise en place de sanction des fraudes qui doivent aussi faire l’objet de progrès.
La cours des comptes qui dans son rapport préconise une quinzaine de recommandations visant notamment à apprécier l’ampleur de la fraude aux prestations et les résultats obtenus, pour objectiver les progrès réalisés et mettre en œuvre les mesures adéquates. Comme celle de tarir les possibilités systémiques de fraude : circonscrire les usurpations d’identité, fiabiliser les données servant à établir les prestations et gérer de manière plus rigoureuse les droits et les prestations d’assurance maladie. Mais aussi intensifier et faciliter la recherche de fraudes, en développant les contrôles sur place, les plus poussés, en étendant la mutualisation des informations entre organismes sociaux et avec les administrations de l’Etat et en créant une unité transversale. En conclusion la recherche et la sanction des fraudes doivent faire l’objet de véritable progrès mais dépende aussi d’une volonté politique.
Un contrôle accru
Interrogé par France Info ce 9 septembre, le rapporteur de la Cour des comptes constate également d'importantes fraudes au chômage partiel, instauré en urgence après le début de la pandémie. Le dispositif permet notamment aux entreprises de déclarer des employés en chômage partiel sans qu'aucun contrôle ne soit effectué pendant un an. La commission d'enquête prône une intensification des mesures de contrôle pour chaque organisme, ainsi qu'un dispositif de vérification des données par un « tiers de confiance » via croisement des données entre les différents organismes dispensant des prestations sociales. Le député souhaite lui que la lutte contre la fraude sociale s'inscrive, à court terme, dans les priorités du gouvernement.
Sources : Cour des comptes 2020
Publication : 09/09/2020