Philippe CHAZAL président du CFPSAA et Jean François BURTIN Directeur FNSF
A l' occasion de la conférence nationale nous avons demandé à deux hommes de nous dressés le regard qu'il avait porté. Un regard ou la colère se fait sentir et surtout la déception, le sentiment ou le manque d'écoute. Un manque de considération pour lequel toutes les associations représentatives du handicap sont d'accord sur un point : les élections présidentielles ont commencé pour Nicolas Sarkozy venu cette tenté de convaincre les personnes en situation de handicap et leurs familles ou les professionnelles ! |
F.H.I --- Un premier lieu, avez-vous le sentiment comme en 2008, de ne rien attendre de ce rendez-vous ? Philippe CHAZAL --- A l'issue de cette CNH, c'est un sentiment de déception qui domine, car contrairement à nos attentes aucune réponse précise n'a été apportée auprès de 500 propositions formulées par les associations de personnes handicapées dans le cadre du CNCPH, de l'OBIACU ou de l'ONFRIH. Depuis presque un an, nous avons beaucoup travaillé pour préparer cette conférence, nous en espérions bien davantage. Il faudra maintenant attendre le rapport que le Gouvernement doit présenter au Parlement sans doute en fin d'année pour connaître les suites qui seront données à nos demandes. Jean François BURTIN : La FNSF n'attend rien, mais on espère avoir quelque chose de concret. Le président de la République a annoncé un plan de 3 millions pour le centre relais téléphonique destiné à la communauté sourde, mais on l'attend depuis plus de 4 ans, puis il a annoncé que le centre relais d'appel d'urgence national sera ouvert en septembre, mais nous le savions déjà D'autres discours ne sont pas agréables à écouter surtout en ce qui concerne les AVS, l'intégration plus ou moins systématique des enfants sourds dans le milieu scolaire « normal », ce qui tend à nier leur propre identité, leur culture et leur langue. F.H.I --- Considérez-vous que le président soit venu là proposer des arguments de campagne et non pour dresser un bilan ? Philippe CHAZAL --- Le Président de la République ne nous a semblé ni très convainquant, ni très convaincu en lisant un discours qui reprenait des arguments déjà très souvent évoqués par lui. Il aurait sans doute été plus dynamique s'il s'était s'agit d'un discours de campagne. Hormis l'augmentation de 25 % de l'AAH qui correspond à une promesse tenue, la création de quelques milliers de places dans les établissements spécialisés et un frémissement dans le domaine de l'accessibilité, les résultats obtenus depuis trois ans sont malgré tout assez minces. Jean François BURTIN : Mr Sarkosy va être de nouveau papa, c'est aussi sa dernière année de mandat et il va sûrement préparer sa campagne électorale. De mon point de vue, il a beaucoup d'autres choses en tête et le handicap ne semble pas être sa priorité. Il a dressé un bilan très léger et flou. F.H.I --- Nicolas Sarkozy a notamment promis des améliorations pour les AVS, l'emploi des ESAT et des loisirs. Quels sont vos sentiments sur ces propositions et leurs rationalités ? Philippe CHAZAL --- Nous ne pouvons qu'être satisfaits des améliorations très attendues concernant les AVS, mais nous notons cependant que le Sénateur Paul Blanc n'avait remis son rapport sur ce sujet que quelques heures avant le discours de Nicolas Sarkozy. Cela montre à nos yeux qu'une fois encore des engagements sont pris alors même que la question n'a pas été étudiée de manière approfondie ce qui nous laisse craindre de nouvelles négociations avant qu'une solution satisfaisante soit trouvée. Le Président de la République a promis la création de mille places par an durant trois années dans les Entreprises Adaptées, nous constatons pour l'instant que plus de 500 aides aux postes ont été supprimées en 2011, ce qui nous fait douter de cet engagement. Jean François BURTIN : Concernant les AVS, la FNSF n'est pas du tout satisfaite puisque nous ne demandons jamais l'accompagnement des jeunes Sourds, ils sont complètement autonomes. Ce dont ils ont besoin : c'est de suivre l'enseignement de l'Éducation nationale et de pouvoir suivre les cours en LSF dans la classe. Le rôle proposé des AVS consiste à intégrer chaque enfant sourd (cette politique ne parle pas d'intégration, mais d'inclusion ce qui signifie la même chose), ce que nous regrettons, c'est que ces enfants sourds n'ont aucun modèle et aucun référent adulte sourd ce qui tend encore une fois à nier leur culture et leur langue. Ce que nous demandons c'est que ces enfants puissent bénéficier d'un enseignement EN LSF et DE la LSF dans une classe ou une école. En ce qui concerne les loisirs, la majorité des sourds est rejetée par beaucoup d'organismes, car ils ne connaissent pas du tout notre communauté par manque d'information. F.H.I --- Le président du CNCPH la déclarer, l'accessibilité reste un chantier important qui sera loin d'être résolu en 2015, mais qu'il faut se donner les moyens pour y arriver. Que vous aspire cette remarque ? Philippe CHAZAL : Il est évident qu'en 2015, l'ensemble des établissements ouverts au public, des logements, de la voirie et des transports ne sera pas accessible à 100 %. Il faut cependant reconnaître que des progrès importants ont été et seront accomplis en dépit des tentatives faites parfois pour atténuer la rigueur de la loi de 2005. Nous voudrions insister sur la nécessité impérieuse que soient prises en compte toutes les formes d'accessibilité et pas seulement celles qui concernent en premier lieu le handicap moteur. Les déficients visuels, auditifs ou mentaux ont des besoins spécifiques pour vivre pleinement leur vie de citoyens. Pour ce qui nous concerne, nous insistons beaucoup sur l'accessibilité des sites publics, des différents logiciels et notamment de ceux utilisés dans le cadre professionnel, sur l'accessibilité à la culture et aux loisirs : beaucoup reste à faire, car seulement 5 %
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des ouvrages imprimés sont aujourd'hui adaptés en braille et/ou sonores, l'audiodescription commence à peine à apparaître à la télévision ou dans les salles de cinéma. Comme je l'ai indiqué lors de la CNH, les pistes cyclables à contre-sens, les véhicules électriques silencieux ou les « zones de rencontre » constituent pour nous de sérieuses menaces pour notre sécurité lorsque nous circulons seuls. Jean François BURTIN : Oui, je suis tout à fait d'accord sur le fait que l'accessibilité n'avance pas et la FNSF s'inquiète de la lenteur des décisions politiques, de l'engagement des divers organismes. La FNSF est sûre que l'accessibilité totale promise pour 2015 ne sera pas atteinte et que des lois permettant des dérogations seront promulguées comme cela s'est fait pour les bâtiments. F.H.I --- Une des questions auquel n'a pas véritablement voulu répondre Roselyne Bachelot et celle de la sexualité. Comment voyez-vous l'avenir sur cet aspect dont les possibilités sont loin de faire unanimité ? Philippe CHAZAL : Les déficients visuels qui ne sont pas atteints d'un autre handicap ne sont pas réellement concernés par ce sujet, c'est un problème complexe qui, nous l'espérons, trouvera une solution raisonnable permettant de répondre aux besoins de chacun. Jean François BURTIN : La sexualité ne pose pas problème dans notre communauté. La seule différence entre la communauté sourde et la communauté entendante est simplement une communication différente et c'est ce point principal que la politique n'a pas compris. F.H.I --- Certaines associations manifestent leurs colères face aux sentiments dont il faut l'objet comme l'UNAPEI qui considère le handicap mental être 5e roue du carrosse, ou la FAF ou les FNSF ? Philippe CHAZAL : Les personnes que nous représentons ne sont guère mieux loties que celles que vous évoquez, nous l'avons notamment manifesté avec fermeté en publiant le 2 juin dernier la Tribune que vous trouverez en pièce jointe. Le Président de la République a, dans son discours, évoqué le plan « déficience visuelle », la CFPSAA estime cela scandaleux au regard des résultats obtenus. Peu après la Conférence, Marie-Anne Montchamps nous a indiqué que ce plan devait être entièrement repensé, nous lui avons demandé une entrevue. Jean François BURTIN : La FNSF manifeste depuis toujours sa colère face aux décisions politiques concernant notamment : Le dépistage précoce des troubles de l'audition, l'éducation scolaire des jeunes sourds qui a reculé d'un pas, la mauvaise proposition du plan 2010-2012 en faveur des personnes sourdes ou malentendantes. La FNSF sent que les dirigeants politiques ne sont pas à notre écoute parce que nous sommes souvent invités en tant que spectateurs sans jamais pouvoir intervenir et/ou travailler ensemble. F.H.I --- En conclusion il y a-t-il aujourd'hui un "effort sans précédent" comme l'indique le Président et dans le cas contraire quel sont les « questions prioritaires » ? Philippe CHAZAL : Parler d'un « effort sans précédent » nous semble clairement de l'autosatisfaction, tout au plus peut-on reconnaître que la situation des personnes handicapées est aujourd'hui mieux prise en compte qu'il y a quelques années, mais nous avions un retard immense à rattraper et beaucoup de choses restent encore à faire. Nous avons particulièrement déploré que deux points essentiels n'aient pas été évoqués lors de la CNH : l'application de la Convention de l'ONU sur les droits des personnes handicapées, car bien qu'ayant ratifié ce texte depuis plus de 15 mois la France n'a toujours pas mis en place les structures prévues pour en suivre l'application et en rendre compte auprès des Nations Unies, de même la disparition des barrières d'âge pour l'attribution de la PCH voulue par le législateur de 2005 et qui aurait dû être effective depuis février 2010 reste lettre morte. L'État est le premier à contourner la Loi alors qu'il devrait être garant de son application. Jean François BURTIN : Les questions prioritaires que souhaite la FNSF sont : A quand des facilités de création d'écoles bilingues à la demande des parents d'enfants sourds sans devoir avoir recours à la justice ? Reformulation de la loi sur le dépistage précoce des troubles de l'audition et suppression de cette loi qui a été intégrée dans le 25e article de la loi de HPST. A quand la création officielle du centre relais téléphonique pour la communauté sourde sans devoir passer toujours par un pilote d'expérimentation qui dure depuis plus de 4 ans ? La FNSF sent que la politique actuelle est de mettre tout type de handicap dans le même panier. Nous souhaitons poser la question : quand sera-t-il possible de bénéficier d'une politique uniquement centrée sur la communauté sourde qui, en soi, n'est pas un handicap physique ou mental hormis lorsqu'un autre handicap lui est associé ? La Langue des Signes Française est une langue reconnue par la loi du 11 février 2005, nous demandons que la Langue des Signes Française soit reconnue comme 2e langue dans la constitution française. A quand la simplicité des droits d'accessibilité dans tous les domaines qui actuellement sont de moins de 10 % d'accessibilité ainsi que le développement de nouveaux métiers destinés aux personnes sourdes et pas uniquement dans le domaine de l'aide aux personnes sourdes ? Le souhait de la FNSF est de voir sur les chaînes TV publiques le discours du président de la République française traduit par un interprète en Langue des Signes français qui soient visibles, ce qui permettrait aux Sourds de devenir citoyens à part entière et de présenter le président de la République comme un modèle pour tous les citoyennes et citoyens français. Interview réalisé à Paris le 9 juin 2011 |
Publication : 09/06/2011