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Trois responsables politiques en charge des questions du handicap lors de la journée internationale nous repondent

handicap-societe-loiAujourd’hui la France comme partout dans le monde a célébré la journée internationale du handicap institué par l’ONU en 1992, pour une communauté qui représente plus 1 milliard de personnes dans le monde et 12 % en France. Des hommes, femmes et enfants dont les droits fondamentaux sont encore bafoués comme dans le domaine de l’éducation ou celui de l’emploi ou pis celui de l’accessibilité et qui réunie le 11 décembre prochain la conférence nationale du handicap dont les quatre rendez-vous régionaux ont commencé depuis le 1er décembre. Des responsables et élus de partis politiques que nous vous présentons par ordre alphabétique et que nous avons interrogés de façon individuelle…

Une journée placée cette année sous le thème du Développement durable: La promesse de la technologie pour lequel M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l'ONU a notamment déclarer dans un message « Ne ménageons pas nos efforts pour veiller à ce que les politiques, les programmes et les directives permettent aux personnes handicapées de profiter des technologies du XXIe siècle et tiennent compte de ce qu’elles vivent et de leurs perspectives. Ensemble, œuvrons pour un avenir meilleur qui n’exclue personne et qui soit équitable et durable pour tous. »

Damien ABAD Depute UMPF.H.I. --- Les personnes handicapées dans le monde représentent plus de 700 millions de personnes, il y a six l’ancien commissaire européen au droit de l’homme Thomas HAMMARBERG, « Moins de charité, plus de respect et de droits pour les personnes handicapées ». Pensez-vous que ce vœu puisse avoir été respecté ?

Damien ABAD Député UMP --- Ce voeu doit être au coeur de la conception que nous devons avoir du handicap. Moins de charité plus de respect, cela tient en deux mots: société inclusive. Nous devons créer les conditions d'une approche globale, inclusive et décloisonnée du handicap. C'est dans cet esprit que j'ai proposé une loi visant à créer un réflexe handicap dans chaque loi.

Kamel CHIBLI, Secrétaire national PS en charge du Handicap. --- Le Parti socialiste réaffirme sa vision d’une société de progrès qui s'adapte, innove pour inclure, rend accessible à tous dans une conception universelle l'espace public et les services. C’est la vision d’une société inclusive qui donne toute sa place à chacune et chacun qui peut se retrouver, à n’importe quel âge, en situation de handicap temporaire ou définitif. Les personnes en situation de handicap doivent pouvoir mener une vie sociale normale, mais non normée, et ce, dès la naissance jusqu'à la fin de vie.

Le Gouvernement a défini la politique du handicap avec une  approche transversale, collective et dynamique. Depuis 2012, une circulaire du premier ministre rend obligatoire, pour l’élaboration de chaque projet de loi présenté devant le Parlement, la prise en compte de dispositions relatives aux personnes en situation de handicap. 

Pascal DURAND Député Europeen EELV --- On peut malheureusement regretter que l'Europe n'ait pas davantage avancé, depuis toutes ces années, sur la question du droit des personnes en situation de handicap.  Et pour cause, plusieurs textes fondamentaux ne sont toujours pas finalisés ou voient leur mise en œuvre retardée 

C'est par exemple le cas de l'acte européen sur l'accessibilité ou encore de la directive sur l'accessibilité des sites publics, sur laquelle le Parlement européen s'est prononcé en mars de cette année. Plus grave encore, la directive relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes est bloquée au Conseil et depuis des années alors qu'elle constituerait un outil légal très important pour lutter de façon transversale contre toutes les formes de discriminations en Europe, y compris celles que subissent les personnes handicapées 

Enfin, les États membres, obnubilés par le fait de conserver leurs prérogatives nationales, ralentissent souvent des avancées importantes pour l'ensemble des Européens. Ceci aboutit à des délais scandaleux quant à l'application de législations qui amélioreraient sensiblement la vie de millions de personnes. Nous le voyons en ce moment même au Parlement européen en ce qui concerne la ratification du Traité de Marrakech.

Ce Traité, signé par l'UE en avril dernier, devrait permettre à pas moins de 250 millions de citoyens dans le monde d'accéder, via des formats appropriés, à des œuvres dont ils demeurent aujourd'hui presque totalement exclus. Pourtant, le Conseil, en demandant une ratification des 28 États individuellement, lorsqu'une ratification unique par l'UE suffirait, pourrait ralentir de nombreuses années l'application de ce Traité, sans argumentation politique ni juridique valable.

F.H.I. --- A l’Aube de la conférence nationale du handicap qui devrait avoir lieu fin décembre, Emploi, Éducation, Santé et Accessibilité seront une nouvelle fois aux cœurs des discussions. Ne pensez-vous pas que la participation des personnes handicapées à toutes les décisions qui concernent leur vie devrait être l'un des principes fondamentaux de toute politique sur le handicap ?

Damien ABAD --- Les personnes handicapées doivent être pleinement associées aux décisions qui les concernent, car ils les vivent et parfois les subissent au quotidien. Les associations et représentants du monde du handicap doivent être des acteurs à part entière. Néanmoins, il est également important de ne pas s'enfermer dans une logique où seules les personnes handicapées s'intéresseraient aux questions du handicap. Il est important que chaque citoyen et chaque décideur politique prennent conscience que le handicap concerne potentiellement chacun d'entre nous.

Kamel Chibli, Secrétaire national du PS en charge du HandicapKamel CHIBLI --- La conférence nationale du handicap aura lieu le 11 décembre prochain. Le Parti socialiste se réjoui que depuis 2012, les personnes en situation de handicap soient associées aux décisions, car elles doivent être actrices de leur propre destin. Comme le témoigne la concertation sans précédent avec tous les acteurs concernés sur l'accessibilité menée par la Sénatrice Claire-Lise Campion qui a permis aboutir, en juillet dernier, à adopter la loi d'habilitation.

Pascal DURAND --- En effet, la prochaine tenue de la conférence nationale sur le handicap, comme d'autres éléments de la démocratie sanitaire qui existe sur notre territoire, révèle une fois de plus un travers récurrent dans ce domaine: ce sont souvent les représentants des personnes handicapées plutôt que les personnes handicapées elles-mêmes qui participent à ces travaux.

Par ailleurs, l'implication des personnes handicapées aux décisions publiques les concernant, qui constitue à la fois une question de droit à la participation citoyenne, mais également une question d'efficacité des politiques publiques, est extrêmement variable. En fonction des domaines, en fonction des territoires, on constate des disparités importantes.

En tout état de cause, un travail d'inclusion beaucoup plus important doit être engagé afin d'assurer une prise en compte des points de vue, revendications, expertises des personnes handicapées dans l'élaboration des politiques qui les concernent.

F.H.I. --- Bon nombre de personnes handicapées en France ont le sentiment que les partis politiques ont parfois fait voter de grande loi sans jamais les appliquer totalement. Quels sont les objectifs à atteindre dans les deux ans à venir, selon vous ?

Damien ABAD --- La France souffre d'une incapacité chronique à appliquer les lois votées. Cela tient au manque de volontarisme politique face à une administration parfois paralysante dans l'exécution des décisions. En outre, le Parlement manque de pouvoir de contrôle dans l'application des lois. Je suis de ceux qui plaident pour un renforcement du pouvoir d'exécution des lois.

Enfin, il est de notre devoir de respecter les objectifs fixés. Plutôt que des grandes pétitions de principe, je préfère des avancées concrètes en matière d'emplois, de logement, d'éducation, de pouvoir d'achat et d'accessibilité. Ainsi, le report des délais d'accessibilité décidé par ce gouvernement est un renoncement coupable, car l'accessibilité n'est pas une option, mais une nécessité. L'accessibilité pour tous, ce n'est pas le combat des personnes handicapées contre tous, mais le combat de tous pour les personnes handicapées.

Kamel CHIBLI --- Par exemple le retard pris dans l’application de la loi de 2005 sur l’accessibilité par le gouvernement UMP ne permettra pas à tous les établissements recevant du public d’être aux normes au 1er janvier 2015. C’est pourquoi, le Gouvernement actuel, après une concertation sans précédent avec tous les acteurs concernés, les bases de la loi d’habilitation ont été possibles. Ainsi les établissements qui ne seront pas accessibles en 2015 pourront être sanctionnés pénalement, sauf si un agenda d’accessibilité programmée est déposé avant janvier 2015.  Les ordonnances permettront d’accompagner la loi de 2005, qui, faute de contrôle, était mal appliquée.la loi d'habilitation.

La feuille de route de la politique du handicap a été adoptée lors du Comité interministériel du handicap qui s’est réuni pour la première fois depuis sa création, en septembre 2013. Elle détaille une série d’actions à mettre en oeuvre répartie selon cinq axes de réflexion : la jeunesse, l’emploi, l’accessibilité, la prévention, l’accès aux soins et l’accompagnement médicosocial, mais aussi la gouvernance et la mobilisation de la société.

Par ailleurs, la Conférence nationale du 11 décembre prochain s’inscrit dans le prolongement du Comité interministériel du handicap sera l’occasion de faire un premier bilan sur les 71 objectifs énoncés en septembre 2013.

Pascal DURAND --- Il est vrai qu'un certain nombre de dispositions, présentes dans le cadre législatif existant, ne sont tout simplement pas mises en œuvre. Dans un état de droit, cela est parfaitement intolérable. Un exemple frappant concerne la Pascal DURAND Depute Europeen Europe Ecologie Les Verts suppression de la barrière d'âge de 60 ans prévue dans la loi de 2005 et qui n'a simplement jamais eu lieu.

Il est donc évident que la mise en œuvre des outils existants, tels que la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapés et la loi Handicap de 2005, qui s'en voulait la traduction, est une priorité absolue.

Concernant les priorités des deux années à venir, au-delà des questions fondamentales concernant l'emploi, l'éducation, la santé et l'accessibilité qui seront traitées durant la conférence nationale, la question du niveau de ressources et du droit à compensation des conséquences de son handicap apparaissent comme des questions majeures.

En effet, l'allocation pour adulte handicapé demeure encore bien en deçà du seuil de pauvreté. A l’heure où les dépenses publiques sont contraintes, un débat politique sur l’évolution progressive de cette allocation en direction d’un revenu au moins égal, à taux plein, au seuil de pauvreté, devrait être lancé. À terme, c'est bien la question du revenu minimum d’existence, voire du revenu universel, que nous devrons poser.

Interview réalisé par
Stéphane LAGOUTIÉRE
Catégorie : INTERVIEW AVEC...
Publication : 3 December 2014

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