Odile MAURIN « Nous devons rendre coup pour coup chaque fois qu’on nous maltraite ».
Après la commission mixte paritaire du 21 septembre 2018, les députés, puis les sénateurs ont voté la version définitive de la loi sur l’Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique (ELAN), et son article 18 (devenu 64). Celui-ci va diviser par 5 la production de logements neufs accessibles. Un sujet sur lequel nous avons interrogé Odile MAURIN, militante de la première heure, Présidente de l’association Handi-Social. Ces dernières semaines, elle n’a eu de cesse mobiliser les troupes contre ce projet de loi. Dans cette interview elle nous donne son point de vue sur cette dernière décision, ainsi que sur d’autres sujets d’actualité liés au handicap.
FHI --- Bonjour Odile Maurin, commençons par des présentations. Parlez-nous un peu de vous, qui êtes vous ?
Odile MAURIN : Je suis une personne en situation de handicap âgée de 54 ans, avec un parcours assez atypique. Enfant on a cru que je souffrais d’un rhumatisme articulaire aigu. Cependant la majorité de mes handicaps ont été diagnostiqués et compris très tardivement : handicap physique et moteur dus à une maladie génétique rare, hépatite C, et on sait depuis peu que je suis autiste Asperger.
J’ai eu une jeunesse assez chaotique, avec des difficultés à l’adolescence qui m’ont menée à interrompre ma scolarité et à tomber dans l’héroïne dès 17 ans. J’ai vraiment commencé à souffrir de mon handicap à la majorité, sans qu’on trouve d’explication. Certains essayaient de le justifier par la fainéantise d’une malade imaginaire, d’autres me traitant de sale toxico...
Je n’ai jamais caché mon passé. La dope a été une automédication, qui m’a permis de tenir debout physiquement, de compenser la douleur et la fatigue. Après des années de galère, j’avais créé une association d’auto-support à Avignon (où j’avais échoué pour du travail), pour en aider d’autres, plutôt que de les laisser crever d’overdose ou du SIDA. Je leur distribuais des seringues propres pour leur éviter la transmission de maladies transmissibles potentiellement mortelles. Je me battais pour qu’ils obtiennent des traitements de substitution, puis de la méthadone. Et si je suis finalement parvenue à me sortir de là, c’est parce que j’ai pu accéder moi aussi à la Méthadone dès sa sortie en 1994. Sinon, je ne serais plus là pour le raconter. Il m’aura fallu quinze années pour que je m’en sorte.
Si cela explique peut-être mon hépatite C, cela n’explique pas le reste de mes handicaps. Toute jeune, j’étais assez sportive, moto, ski, surf, équitation, bien que les médecins m’aient dispensé de gym, puis déconseillé le sport. Cela m’a permis de me muscler, mais je souffrais physiquement par période, pensant que c’était normal. Cependant, quelques années plus tard, cette hépatite a fini par me vider complètement de mes forces et les choses sont devenues très difficiles.
Je me suis acharnée à essayer de travailler pendant dix années, essuyant de très nombreux échecs. Je trouvais facilement des postes dans le domaine commercial, sans jamais parvenir à les garder longtemps à cause de mes absences maladie nombreuses et répétées.
J’ai fini par ne plus pouvoir concilier santé et vie professionnelle. Alors à 26 ans, j’ai envisagé de me réorienter, en reprenant des études. J’ai obtenu un BTS en six mois, malgré beaucoup d’absences liées à ma santé, et alors que j’avais arrêté le lycée deux ans avant le baccalauréat.
Cependant cela ne m’a pas plus avancée, car dès que je fatiguais un peu, je tombais malade de manière répétitive. J’ai donc opté pour l’expertise comptable, pensant me mettre à mon compte, mais le centre de formation n’a pas tenu compte de mon état de santé et j’ai du arrêter.
FHI --- Votre engagement militant pour le handicap est né de vos propres difficultés à faire valoir vos droits, pourriez-vous nous expliquer votre parcours ?
Odile MAURIN : Ma mère m’avait toujours dit : « Je sais que tu es capable de faire des choses et que tu y arriveras. Il faut se battre dans la vie et ne jamais baisser les bras. » Après avoir fait le constat de mon impossibilité à travailler et à me former, je me suis résolue à me tourner vers la COTOREP (Commission Technique de Reclassement et d’Orientation Professionnelle, ancien nom de la MDPH), afin de faire valoir mes droits. À partir de là, j’ai engagé un parcours du combattant qui a duré une quinzaine d’années.
Suite à une tuberculose et à une fièvre de Malte, on a découvert que dix ans après avoir été contaminée par l’hépatite C, celle-ci était toujours active. Ces maladies ont d’abord justifié l’octroi de l’AAH (Allocation Adulte Handicapé) pendant deux ans. Puis elle m’a été retirée.
Alors j’ai consulté des avocats, mais personne n’était en mesure de me répondre, notamment en matière de droit du handicap. Laissée seule face à ma problématique, je me suis procurée le Code de la Sécurité Sociale et le Code du Travail et je les ai lus de A à Z pour essayer de comprendre. J’ai passé une bonne décennie enfermée chez moi à potasser les textes pour poser des questions aux administrations, aux ministères, et faire des recours. J’ai peu à peu réalisé que les compétences que j’étais en train de développer pouvaient être utiles pour défendre d’autres personnes.
En 2001, j’ai fondé Handi-Social après avoir représenté l’association des usagers et des administrations et m’être éloignée de son Président qui se lançait en politique. Je ne souhaitais pas être étiquetée d’une manière partisane sur ces questions quelles que soient mes opinions personnelles. Handi-Social a été créé essentiellement pour offrir un cadre au combat que j’ai mené pour la défense des droits individuels des personnes handicapées.
J’ai parallèlement continué à livrer ma guerre contre la COTOREP. Entre temps, la Sécurité Sociale a reconnu mon invalidité, en 2e puis en 3e catégorie, m’accordant des revenus de misère, tandis que la COTOREP persistait à ne rien admettre. Si j’ai tenu le coup, c’est parce que ma grand-mère, et ma deuxième mère (meilleure amie de ma mère qui était décédée de la maladie de Parkinson) m’ont soutenue moralement et financièrement, me permettant de manger, d’acheter mes médicaments.
En 2001, j’avais proposé une approche innovante à mon avocate. Je ne me contentais pas de faire des recours gracieux et contentieux dans des conditions imposées par la COTOREP et les commissions de recours. J’ai pensé que l’administration ne me donnant pas de motif précis au refus qu’elle m’avait opposé, elle m’empêchait en ce sens de me défendre. Ceci était donc une question de forme qui relevait du tribunal administratif.
L’avocate a donc défendu mon cas devant le TA, demandant à ce qu´on m’indemnise pour le préjudice subi à cause de cette absence de motivation explicite des refus, et j’ai d’abord perdu. Puis j’ai gagné en appel, puis devant le Conseil d’Etat, après appel de cette décision par l’Etat. J’ai fait jurisprudence.
Entre temps le Président du TA, surpris par mon approche néophyte en matière juridique avait engagé un dialogue, pour ensuite me donner des cours de droit par téléphone, le jugement passé. Il est malheureusement décédé en 2004 alors qu’on avait décidé de faire une grande conférence sur le droit des personnes handicapés à Toulouse. En 2006 furent créées les MDPH (Maison Départementale des Personnes handicapées) et là, je défendais les cas individuels. J’allais occuper les lieux et faisais quelques petites actions comme ça. Ceci a attiré l’attention de certaines personnes, qui m’ont encouragé à les rejoindre : Etre et Avoir 31, pour la défense des droits des personnes lourdement handicapées.
Pendant que j’agissais pour les autres, ma situation financière était compliquée. Je ne touchais pas la PCH (Prestation de Compensation du Handicap) et ne bénéficiais que de quelques heures d’aide à domicile très insuffisantes. Je ne sortais pas de chez moi. Je n’avais pas d’hygiène, je me nourrissais mal et j’étais complètement déprimée.
C’est à ce moment que le Président de cette association, Dominique RABAUD, m’a convaincu de mon propre droit à percevoir la PCH. Alors que la Sécurité Sociale m’avait déjà accordé la troisième catégorie d’invalidité, la MDPH et ses décideurs persistaient à vouloir me considérer comme une malade imaginaire. De là, il s’est battu à mes côtés, pour que je puisse l’obtenir.
On a donc sorti l’artillerie juridique. J’ai demandé la PCH en urgence qui m’a tout d’abord été refusée, puis accordée début 2007. J’ai attaqué le Président du département pour me l’avoir refusée pendant près d’un an, et j’ai fait jurisprudence, le condamnant à me verser des dommages et intérêt pour le préjudice subi.
À partir de là, j’ai pu réorganiser ma vie, en bénéficiant du minimum d’aide dont j’avais besoin et j’ai commencé à travailler avec le Collectif Inter Associatif Handicap 31(CIAH) qui fédère environ 25 associations du département. Et avec Remi BLESSON et le Docteur Catherine COUSERGUE, Présidents successifs du GIHP (Groupement pour l’Insertion des Personnes Handicapées) Midi-Pyrénées, et Dominique RABAUD, nous avons été les animateurs de ce collectif. Je me suis investie dans les commissions d’accessibilité et dans différents projets au niveau régional puis dans le Comité d’Entente Régional Midi-Pyrénées. J’ai aussi été nommée en CDAPH, me retrouvant face à ceux qui avait nié mes droits.
J’avais aussi contribué lors de la rédaction de certains rapports de Marcel NUSS qui présidait la Coordination Handicap Autonomie (CHA) qui a obtenu les avancées de 2006 sur la PCH : Dominique RABAUD et Sandrine RIAUDO étaient allés à l’Élysée en 2006 pour arracher une PCH de 24 heures par jour au lieu de 12. Étant devenue une spécialiste du Guide Barème Cotorep (qui sert à fixer le taux d’incapacité), j’ai aussi contribué à sa réécriture par le Ministère en 2007.
FHI --- vous avez eu dernièrement des démêlés avec une grande association liée au handicap, souhaitez-vous en dire plus ?
Odile MAURIN : A partir de 2008 je me suis investie dans le mouvement Ni pauvres, ni soumis et j’y ai apprécié l’engagement de Jean-Marie Barbier, Président combatif de l’APF à ce moment là. Il avait mobilisé sur cette question et était parvenu à arracher l’augmentation de l’AAH à Nicolas SARKOZY. Promesse qu’il avait faite, mais qu’il ne comptait pas tenir. En 2010 j’avais lancé et organisé les manifs d’une vingtaine villes en France quand Nicolas SARKOZY a voulu remettre en cause l’augmentation promise. Triste et de devoir dire que celui-ci en aura finalement fait plus, que François HOLLANDE en la matière….
L’APF France handicap, faisant partie du Collectif inter-Associatif dont j’étais devenue une des coordinatrices, j’étais parvenue à les entraîner dans ma démarche militante. Compte tenu des résultats obtenus sans moyens, les dirigeants et salariés locaux m’avaient invitée de façon sincère à les rejoindre dans leur grande organisation mettant en avant les moyens dont je bénéficierai.
Mais une fois membre de l’organisme, ce n’est pas de l’aide que j’ai reçu, mais des bâtons dans les roues à tous les étages, d’abord par une directrice locale vieillissante. Celle-ci a eu du mal à accepter qu’une personne concernée prenne le pouvoir, comme le prévoyait les textes internes de l’APF France handicap. Assez vite je me suis heurtée au Conseil d’Administration et aux cadres du siège. Pourtant au départ, ils étaient heureux de m’accueillir, car en 2010 j’avais été à l’origine de la mobilisation dans vingt villes de France.
Puis j’ai découvert certaines choses les concernant, que j’ai d’abord pris pour de l’incompétence (celle du Président, du Directeur Général adjoint, et d’autres), un mauvais fonctionnement des rouages dû à des lacunes dans l’organisation, une mauvaise circulation des informations …
J’ai compris plus tard que cela arrange le DG et le Président actuel de l’APF France handicap, que l’organisation soit si mauvaise sur le plan militant, pour éviter d’égratigner le Gouvernement. J’ai longtemps et innocemment pensé, que dans ce type d’organisation, on pouvait être gestionnaire et militant et que l’action militante prévalait sur la gestion, qui n’était en fait qu’un moyen de répondre au besoin. En réalité cette attitude est le lot de personnes exceptionnelles.
Dans cette ambiance démissionnaire généralisée de notre société actuelle, on ne peut pas attendre un tel niveau d’intérêt général chez nombre d’individus. J’en suis donc arrivée à la conclusion qu’on ne peut pas et ne doit pas être gestionnaire et militant, et qu’on doit séparer ces rôles, ainsi que la parole des personnes concernées de celles des parents et surtout des gestionnaires. Chacun doit parler pour la place et le rôle qui le concerne.
Pour moi la stratégie de l’APF France handicap, est de se montrer partout pour faire de la « com », puis de faire des appels aux dons, peu importe s’ils mettent des potiches dans les commissions, qui valident des textes contraires à nos droits. Tout ceci est valable pour bien d’autres organisations gestionnaires qui se servent des personnes handicapées comme caution, mais je parle de l’APF parce que j’ai vu comment cela fonctionne de l’intérieur.
FHI -- Quelle est votre vision concernant la situation de l’emploi, en ce qui concerne les personnes handicapées aujourd’hui en France ?
Odile MAURIN : Cette problématique de l’emploi vient de l’éducation française et des conditions de vie mises en place pour les personnes en situation de handicap. Historiquement, en France, on les a institutionnalisées, parquées et planquées. On a considéré qu’elles n’avaient pas la capacité d’apprendre. C’est aussi idiot que de penser qu’un enfant valide serait capable de se débrouiller dans la société sans aller à l’école.
On a aussi manqué d’exigence éducative vis-à-vis des enfants handicapés. On les a maternés sans les pousser. Ce n’est pas la faute des parents, ce n’est pas eux que j’accuse, mais le système qui dit : « Eh bien, non, votre enfant est handicapé, vous le gardez chez vous ou vous le mettez dans une institution ».
Prenez l’exemple des personnes polyhandicapées, pour lesquels il a longtemps été dit qu’elles ne communiquent pas. On se rend compte maintenant qu’il existe des moyens alternatifs de communiquer avec elles et qu’on peut leur donner une éducation et leur apprendre des choses. C’est comme pour les personnes déficientes intellectuelles, je pense à la Trisomie 21. Pendant que dans d’autres pays, elles allaient déjà au lycée, puis à la FAC, en France on en était encore à penser qu’il fallait les faire jouer à la marelle et leur caresser la tête …
Je comprends qu’historiquement certains parents et associations ont voulu créer des établissements pour éviter l’abandon des familles à domicile. Par contre qu’ensuite cette situation ait perduré, je ne le comprends plus. Je ne saisi pas non plus pourquoi il y a ces grosses machines comme l’APF derrière tout cela.
Pour en revenir à l’emploi, tant que les personnes handicapées ne seront pas reconnues comme des citoyens et que nous n’accèderons pas à tout, nous n’accèderons pas à l’emploi non plus. On pourra mettre en place tous les quotas du monde, tant qu’il n’y aura pas une véritable accessibilité et une vraie compensation du handicap, des aides techniques et humaines, des questions organisationnelles pour faire que le travail s’adapte au handicap, on n’évoluera pas.
J’appelle à une transformation de fond pour la prise en compte du handicap dans ce pays. Et je le dis souvent : « Soit on nous bute tous, soit on nous accorde les doits légitimes auxquels on peut prétendre, pour nous permettre d’être des citoyens comme tout le monde ». C’est ce que je dis aux politiques quand ils me répondent qu’on coûte trop cher.
FHI --- Quel est votre retour d’opinion sur la politique sociale menée par le Gouvernement ?
Odile MAURIN : À chier... Ce n’est pas une politique sociale ! C’est une politique mortifère pour les personnes les plus fragiles et c’est tout. Et ceux qui y participent se déshonorent.
FHI --- Votre avis sur les promesses d’Emmanuel MACRON ? « Je ferai du handicap l’une des priorités de mon quinquennat. »
Odile MAURIN : Alors on peut le voir sous deux angles. Tout d’abord « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». Personnellement je n’ai jamais cru aux promesses d’un gars qui vient de chez Rotschild et qui est l’ancien Ministre des Finances de Hollande.
D’un autre côté, je pense qu’il a tenu sa promesse, sous certains aspects, car il n’a pas dit qu’il allait améliorer la situation des personnes handicapées, mais qu’il allait faire du handicap une priorité. Il est en train de majorer notre handicap, de faire reculer nos droits, et de tenir sa promesse en en faisant une priorité.
Le problème c’est qu’il nous dit le contraire, en nous parlant d’inclusion. Terme qui n’est pour moi que de la vaseline à destination des personnes en situation de handicap.
FHI --- Que dire de l’article 18 de la loi ÉLAN selon vous ?
Odile MAURIN : Cet article nous ramène à la conception des années 60 de la prise en compte du handicap et du vieillissement de la population. La notion même de quota avait été abandonnée dans les années 70 avec la loi de 1975 (intégration des personnes handicapées). Celle-ci était une bonne loi en matière d’accessibilité. Tout était déjà écrit en dehors de deux points en matière de logement : la question des douches à siphon au sol et celle de l’accessibilité des balcons, loggia et terrasses.
La loi du 11 fevrier 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées n’a servi qu’à préciser ces points et à fixer une échéance, mais finalement elle n’a rien apporté sur le plan réglementaire, si ce n’est l’attestation de conformité, qui obligeait les constructeurs de logements à faire attester l’accessibilité. On sait malheureusement qu’il y a eu tellement de compromission avec les contrôleurs, que de toute façon, ces principes ont été détournés. Comme aucune des grandes associations qui prétendent nous représenter n’a mené systématiquement les combats juridiques qu’il aurait fallu mener lorsque des constructions n’étaient pas faites correctement…
On a un retard énorme par rapport à d’autres pays et au lieu de le rattraper et de clarifier la législation, l’ordonnance accessibilité de 2014 est venue donner un nouveau coup de boutoir en s’attaquant aux ERP, aux transports et au logement. Donnant de nouveaux délais et faisant reculer la réglementation. Elle a supprimé l’obligation d’accessibilité des balcons, terrasses et loggias et les douches à siphons de sol. Cela veut dire concrètement, que les personnes en fauteuil ont le droit d’habiter un logement, mais surtout pas de mettre le nez dehors. Tout ceci a été entériné sous Hollande avec la complicité de l’APF France handicap.
La loi ÉLAN se propose d’instaurer une notion de quota, contraire aux Droits de l’Homme, comme l’a déclaré le Conseil de l’Europe qui a d’ailleurs fustigé l’attitude de la France. La Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme et le Défenseur des droits sont contre cette réforme. On peut dire aussi merci à l’APF France handicap pour ça, car encore une fois c’est elle qui a introduit le ver dans la pomme avec la notion de « visitabilité ».
En effet l’APF France handicap a un Conseiller National d’accessibilité, qui ne s’est jamais formé. Il a été livré à lui-même par un état major de l’association, qui n’a que faire de la question d’accessibilité et qui envoie un administrateur valide négocier les droits des personnes handicapées auprès du CNCPH (Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées) et des diverses commissions.
La loi ÉLAN est la fin de notre droit à aller diner chez nos amis, de séjourner quelques jours chez notre grand-mère, d’avoir un amant qui soit autrement qu’en situation de handicap moteur. Entre la question des ressources et ceci, c’est la ré-institutionnalisation qu’on nous promet tout en nous parlant d’inclusion. C’est intolérable et c’est pour ça que les militants toulousains vont continuer à occuper l’actualité. On va exiger nos droits désormais et cesser de les demander gentiment.
FHI --- Vous semblez révoltée, pourriez-vous nous en expliquer les raisons ?
Odile MAURIN : Parce que je pense qu’il n’y a pas de vie qui vaille plus que d’autres. Je me dis aussi que quelques soient les difficultés de mon parcours, j’ai bénéficié d’avantages que beaucoup n’ont pas eu : soutien de ma mère et transmission de valeurs de combativité, enfance dans un milieu plutôt privilégié. Je souhaiterais que tout le monde puisse au minimum bénéficier des mêmes conditions que moi. C’est une question de dignité !
FHI --- Si vous aviez un dernier message à faire passer aux personnes qui vont vous lire, quel serait-il ?
Odile MAURIN : Je vais être dure, mais on n’est pas au pays des Bisounours, la situation va s’aggraver. On a deux solutions : soit on attend que le voisin se bouge, soit on se prend en main chacun à sa manière et on se bat. Cela peut prendre différentes formes, mais quoi qu’il en soit, il faut que nous y travaillions. Il faut arrêter de se comporter comme des enfants et d’accepter d’être humiliés en permanence. Nous devons rendre coup pour coup chaque fois qu’on nous maltraite.
J’ai aussi décidé de transmettre mes connaissances à mes adhérents et leur apprendre comment se battre : remplir un dossier, répondre à la police, à l’administration, faire un film pour médiatiser une situation, se former sur l’accessibilité, etc. Je veux que les gens se prennent en main et j’essaie de leur en donner les moyens.
Interview réalisé par
Sébastien Joachim Correspondant FHI
Publication : 19/10/2018