Jean-Dominique JOURNET, à l’occasion de la création du premier diplôme universitaire pour accompagnants des Aphasies
Rencontre aujourd’hui avec Jean-Dominique JOURNET, Président de la Fédération Nationale des Aphasiques de France (FNAF). Une association gérée par aphasiques eux-mêmes.et fondée en 1985. Son président Jean-Dominique JOURNET revient lors de cette interview sur les raisons de l’Asphasie souvent confondue avec un trouble psychique ni un handicap mental. Son président qui revient aussi sur l’objectif de cette formation, véritable combat de l’association et dont l'initiative soutenue par la Fédération française des télécoms avec une inscription possible dès maintenant pour septembre 2019 ! l’aphasie dont le prochain grand rendez-vous aura lieu 5 au dimanche 8 septembre 2019 à CHORGES a l’occasion du 23eme congrès National de la FNAF mais aussi en octobre avec la semaine nationale de l’Aphasies.
FHI --- Vous dite que l’asphasie et souvent confondue avec un trouble psychique ou un handicap mental. Mais de quoi s’agit-il exactement ?
Jean-Dominique JOURNET --- l’aphasie est la perte totale ou partielle du langage, consécutive à une lésion du cerveau : Accident Vasculaire Cérébral ou A.V.C (75% des cas, soit par hémorragie ou ischémie), traumatismes crâniens, tumeurs cérébrales, causes dégénératives comme la Maladie d’Alzheimer. Mais plus rarement de causes infectieuses ou inflammatoires. Le niveau de gravité peut varier, allant d’un léger trouble à une absence totale de communication. Le déficit peut toucher isolément ou conjointement les différentes composantes du langage : parole / langage, compréhension/expression, oral/écrit, lettres/calcul…
Le langage est commandé par le cerveau et il est généralement localisé dans l’hémisphère gauche. La perturbation des différentes activités du langage (parler, comprendre, lire ou écrire) dépend de la localisation et de l’ampleur de la lésion. L’aphasie va donc avoir des répercussions sur la vie quotidienne de l'aphasique et de sa famille. Il est néanmoins important d’expliquer que, malgré ces difficultés rencontrées au quotidien, l’aphasie n’est pas un trouble psychique ou un handicap mental. Les capacités intellectuelles de l'aphasique sont préservées.
FHI --- Malgré des campagnes d’information comme la semaine nationale de l’aphasie, qui se déroule dans la seconde quinzaine du mois d’octobre. L’asphasie reste encore assez méconnue, combien de personnes sont concernées en France ?
Jean-Dominique JOURNET --- En France, on estime qu’elle touche plus de 300 000 personnes et 30 000 nouveaux cas sont recensés chaque année. L’aphasie peut toucher tout le monde. Elle se rencontre à tous les âges de la vie, chez les hommes comme les femmes, et dans toutes les catégories sociales. L’âge moyen de survenue d’un A.V.C est de 73 ans (70 ans pour les hommes et 76 ans pour les femmes). Le quart des A.V.C concernent des personnes de moins de 65 ans, la moitié des personnes de 65 à 84 ans et un autre quart, des personnes d’au moins 85 ans.
FHI --- Quelles sont les difficultés que rencontrent ces personnes dans la vie de tous les jours ?
Jean-Dominique JOURNET --- Cela constitue un bouleversement et une nouvelle vie pour eux : comment converser, téléphoner, regarder la télévision, écouter la radio, lire le journal, écrire une liste de courses, des lettres, remplir des formulaires, faire des calculs, se « débrouiller » dans un lieu inconnu. L’aphasie va donc avoir des répercussions sur la vie quotidienne de la personne aphasique mais aussi sur sa famille.
Mais je veux insister que malgré ces difficultés rencontrées dans le quotidien, l’aphasie n’est pas un trouble psychique ou un handicap mental. Les capacités intellectuelles de la personne aphasique sont préservées. La personne aphasique n’est pas malentendante, n’a pas de problème de voix. Nous sommes donc capables de réfléchir et de communiquer si on nous aide à nous exprimer !
FHI --- Comment analysez-vous la mobilisation des membres de la FFTelecoms pour l’accessibilité ?
Jean-Dominique JOURNET --- la FNAF a participé à une expérimentation de l’accessibilité du relais téléphonique pour les aphasiques (ORIGO) qui a montré que c’était possible et utile pour les aphasiques. Nous sommes évidemment ravis de voir que la Fédération Française des Télécoms se mobilisé pour la mise en place concrète de ce service qui est une première mondiale pour les aphasiques.
FHI --- Le premier Diplôme Universitaire sur l’aphasie devrait permettre de recruter des personnes pouvant justement répondre au Centre de Relais Téléphonique (CRT) va être lancé en septembre prochain. Qu’en attendez-vous et vos espoirs ?
Jean-Dominique JOURNET --- Les gens ainsi formés seront intégrés au centre de relais téléphonique déjà ouvert pour les sourds et malentendants, qui a été mis en place et qui est piloté par les opérateurs de la FFTélécoms : Bouygues Telecom, Euro-Information Telecom, la Poste Mobile, Orange et SFR. Ce nouveau cursus a pour objectif de permettre aux aphasiques de pouvoir communiquer au téléphone, ce qui leur était impossible auparavant. Par l’intermédiaire de cet opérateur, l'aphasique pourra communiquer avec son correspondant au téléphone et gagnera ainsi en autonomie.
L’opérateur relais permet ainsi de poser un véritable cadre de communication adapté entre l’aphasique et son interlocuteur. Il pourra reformuler si l’aphasique n’a pas compris. Il pourra noter par écrit les informations compliquées (comme les dates et les heures) ou montrer ses informations à l’écran sur un calendrier ou une horloge. L’opérateur relais pourra aussi faire patienter l’interlocuteur si l’aphasique ne trouve pas ses mots. Pour les aphasiques les plus en difficulté, l’opérateur relais pourra utiliser des images-pictos, en plus de la parole, de l’écrit et des gestes, pour comprendre ce qu’il veut dire et faire comprendre ce que lui répond l’interlocuteur.
Le diplôme universitaire est ouvert aux étudiants en médecine et en sciences humaines et sociales, de même qu'aux professionnels travaillant déjà dans un centre de relais téléphonique, comme par exemple les codeurs en langage parlé-complété. Il est déjà possible de s’inscrire à ce diplôme universitaire pour la rentrée de septembre 2019. La FFTélécoms, qui soutient la FNAF dans son engagement auprès de ce diplôme universitaire du CHU du Toulouse, est déterminée à ouvrir un service dédié aux aphasiques, dans le cadre du centre de relais de communications interpersonnelles en juin 2020, ce qui constituera une première mondiale.
Nous attendons donc de ce DU des opérateurs relais qui maîtrisent la communication avec des aphasiques, qui s’adaptent aux pratiques de communication et aux besoins de chaque aphasique qui appelle, et qui gardent aussi la bonne place pour rester au service des deux interlocuteurs.
La Rédaction
Publication : 14/06/2019