Le Professeur Jean PELLETIER, Chef du Service Neurologie et Unité NeuroVasculaire à l'AP HM
A l’occasion Journée mondiale de la sclérose en plaques (SEP) et des différentes manifestations prévues en France notamment à Paris, Strasbourg : le 22 mai ou à Toulouse : le 25 mai 2019. Le Professeur Jean Pelletier, Chef du Service Neurologie et Unité NeuroVasculaire à l'AP HM revient avec nous sur les principales avancées du programme DHUNE concernant la maladie. Une maladie qui touche en France près du jeune adulte, la SEP est souvent diagnostiquée entre 25 et 35 ans et une prépondérance féminine (3/4 de femme). La SEP touche aujourd’hui 100 000 personnes en France, dont 700 enfants. Deux mille cinq cents nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. La SEP représente la première cause de handicap sévère non traumatique du jeune adulte. Elle affecte donc des adultes jeunes en pleine période de projet d’existence et bouleverse la vie personnelle, familiale et professionnelle.
Jean PELLETIER --- Pouvez-vous nous rappeler les principales caractéristiques de la maladie et son évolution ces dernières années ?
FHI --- La Sclérose en Plaques (SEP) est une maladie inflammatoire démyélinisante du système nerveux central (cerveau et moelle épinière) qui provoque des troubles visuels (baisse de la vision d'un seul œil), des troubles de la sensibilité (fourmillements au niveau d'un membre), des troubles moteurs (problème d'équilibre, de marche...) et peut causer de nombreuses séquelles et handicaps. Elle touche de plus en plus de personnes (120 000 cas en France en 2019, soit + 10% en 2 ans) et de plus en plus tôt, les formes juvéniles débutant avant l'âge de 18 ans étant de plus en plus fréquentes. On s'aperçoit également qu'elle touche de plus en plus les femmes : 4 femmes pour 1 homme en moyenne. Malgré 200 ans de recherche, nous n'en connaissons pas les causes qui restent multifactorielles, sans piste probante évidente.
Jean PELLETIER --- Quelles sont les dernières avancées du programme DHUNE sur cette maladie ?
FHI --- Actuellement, nous explorons 2 approches : Nous avons développé un protocole IRM* de suivi des lésions démyélinisantes et de leur réparation. Nous essayons de mieux comprendre la démyélinisation et la remyelinisation à l'aide d'une nouvelle technique d'imagerie IRM de transfert d'aimantation. Une étude est en cours dans notre centre clinique et IRM qui est intégré au programme DHUNE avec 30 patients qui bénéficient d'une IRM tous les 2 mois, nous permettant de suivre les lésions, leur évolution et leur possible réparation. Nous continuons à recruter des patients pour ce suivi. Car parallèlement, l'équipe de recherche fondamentale du docteur Pascale Durbec a montré que des cellules souches immatures de cerveaux de modèles animaux atteints de sclérose en plaques étaient capables de se différencier vers des cellules réparatrices de myéline. Or, des cellules souches existent dans le cerveau adulte. En condition de lésion de la myéline, ces cellules pourraient intervenir dans le cadre d'un processus de régénération interne. Ces études sont un premier pas vers le développement de thérapies pour les patients atteints de Sclérose en Plaques.
Notre 2ème axe porte sur la compréhension de ce qui se passe en tout début de la maladie grâce à l'IRM 7 T du CEMEREM, la seule qui existe en France pour l'application clinique et qui permet de déceler des lésions invisibles sur des machines moins puissantes. Ce qui n'a, jusqu'ici, jamais été étudié. Lorsque les premiers symptômes s'expriment chez le patient, dans 70% des cas, l'imagerie montre l'existence de lésions anciennes, ce qui indique que la maladie a démarré des mois ou des années plus tôt. Avec les équipes des CHU de Nice, Montpelier et Nîmes, nous avons élaboré un protocole de suivi de patients qui sont au tout début de la maladie, qui ont fait une première poussée mais dont l'IRM est normale en dehors de la lésion qui rend compte de cette première poussée. Nous nous intéressons à mieux comprendre les mécanismes en jeu dès le début de la maladie, à évaluer la progression dès ces tous premiers stades. L'IRM 7 T donne une vraie valeur ajoutée : en comprenant mieux les mécanismes, on décryptera plus facilement ce qui est responsable du handicap et on aura un impact thérapeutique beaucoup plus ciblé. Ce nouveau protocole* a démarré début 2019 et prévoit d'inclure 30 patients (actuellement 12 sont déjà suivis).
Jean PELLETIER --- Qu'en est-il des traitements et des recherches au niveau international ?
FHI --- Nous avons fait beaucoup de progrès pour bloquer les poussées et l'évolution de la maladie qui est très hétérogène, avec des traitements qui peuvent s'adapter à chaque cas (SEP par poussées ou progressive) mais actuellement nous ne sommes pas capables de réparer certaines séquelles. Les dix prochaines années vont être largement consacrées à la compréhension de la remyélinisation pour être capables d'agir sur la réparationsurtout lorsque les dégâts sont inévitables. Le challenge des années à venir est de mieux comprendre les processus en jeu pour réparer les séquelles en continuant la recherche à l'aide de nouvelles techniques permettant d'imager la dynamique des lésions. Soulignons l'aspect collaboratif des équipes au niveau international, la mise en place des centres experts (CRCSep) au niveau national et les alliances qui permettent de lever des fonds et de travailler dans un grand effort de collaboration dans notre domaine pour faire avancer la recherche.
Jean PELLETIER --- Et au niveau de la prise en charge des patients ?
FHI --- Nous avons largement amélioré la prise en charge qui ne nécessite plus d'hospitalisation longue. Nous privilégions la prise en charge en ambulatoire ponctuelle afin de pouvoir laisser les patients continuer à vivre le plus normalement possible. À la Timone, nous recevons les jeunes femmes entre 10h et 14h afin qu'elles puissent amener leurs enfants le matin à l'école et les récupérer à la sortie tout en étant traitées. Notre démarche thérapeutique repose sur un travail d'équipe soignés-soignants qui prend beaucoup de sens.
Jean PELLETIER --- Avez-vous prévu de parler de vos avancées lors de la journée mondiale?
FHI --- Comme chaque année, les avancées sur la maladie seront présentées lors des journées dédiées et organisées par la Maison de la SEP auxquelles le programme DHUNE participe. Ces journées permettront aux patients atteints de SEP, à leur famille et leur entourage de s'informer sur la maladie, de rencontrer et d'échanger avec les professionnels de santé.
Elles auront lieu à Montpellier le 18 mai ; Paris et Strasbourg : le 22 mai ; Amiens : le 23 mai ; Nice, Tours et Clermont Ferrand : le 24 mai ; Angers, Bordeaux, Limoges, Toulouse : le 25 mai ; Lille : le 6 juin ; Marseille et Rennes : le 7 juin.
*Plus d'infos sur les protocoles en cours et sur le recrutement de patients sur le site.
Publication : 14/05/2019