Réforme de la Loi Handicap : un nouvel élan pour les achats responsables ?
L'État sera-t-il en capacité d'ouvrir un nouveau champ prometteur aux achats responsables et de simplifier le recours à davantage de diversité ? Juillet devrait permettre aux acheteurs d'obtenir les réponses qu'ils attendent. Il court un petit vent de panique chez les acheteurs : la Loi Handicap en cours de refonte pourrait transformer radicalement le recours au secteur du travail protégé et adapté (STPA) qui a demandé tant d'efforts de mise en oeuvre aux directions achats. Les achats solidaires, rejetés avec l'eau du bain ? Cette refonte impactera nécessairement les services achats qui avaient appris à apprécier ces partenariats, en leur permettant de jouer un rôle décisif pour l'intégration des personnes en situation de handicap, dans leur entreprise.
L'emploi indirect revu
Avec un taux de chômage de 22% des travailleurs en situation de handicap, la grande loi de 2005 méritait une remise à plat. Et la nouvelle loi est, en effet, susceptible de changer radicalement la vie des 780 entreprises adaptées du territoire dont le rôle est d'embaucher plus de 80% des salariés handicapés dans leurs effectifs. "Il nous faut donner une vision claire sur la performance, les impacts et l'utilité des EA qui est considérable", commente Cyril Gayssot, vice-président de l'Union nationale des entreprises adaptées (UNEA). "Le nouveau cadre réglementaire doit relever le défi de l'inclusion des personnes les plus tenues à l'écart du monde du travail. Afin de montrer notre impact sur la société toute entière, l'Etat et les représentants des entreprises adaptées ont lancé une concertation sur les modalités de financement basés autour de 'la compensation' des conséquences du handicap, notion pourtant au coeur de la loi du 11/02/2005, reste finalement très méconnu de nos interlocuteurs."
« 2 français sur 3 ont déjà entendu parler de l'entreprise adaptée et 85% selon un sondage publié par l'UNEA des Français jugent normal de compenser financièrement les entreprises employant des personnes en situation de handicap », souligne le vice-président de l'UNEA.
Quels impacts pour demain ?
L'objectif du gouvernement d'Emmanuel MACRON serait-il de travailler à une organisation renouvelée du secteur de l'économie sociale et solidaire, mêlant en une seule et unique organisation, travail adapté et secteur de l'insertion ? "Tout ceci n'est pas si simple", commente Nathalie GERRIER, fondatrice du réseau d'EA Handirect. "Dès que nous voulons ouvrir un établissement secondaire en région, il faut monter un nouveau dossier de demande d'agrément ; la réponse arrive parfois au bout de deux ans et demi. C'est un véritable frein à l'embauche des personnes handicapées", insiste-t-elle. "De plus, je ne vois rien venir pour développer l'inclusion des personnes les plus fragiles, porteuses entre autres, de handicap mental." Et la serial entrepreneuse d’ajouter : "C'est toujours intéressant de faire évoluer un système en place mais il ne faut pas oublier que l'EA répond à une vraie logique économique. Mettre tout par terre, serait contre-productif pour tout le monde ; attention à ne pas abîmer un modèle que nous avons mis tant de temps à construire".
Selon Wenceslas BAUDRILLART, président de l'entreprise adaptée AIA et membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), 'l'impact de la loi de finances sur la minoration des aides aux postes est sans précédent. Le montant des aides compensatoires pour un travailleur handicapé n'est pas le même non plus que celui destiné à une personne éloignée de l'emploi ; le management de ces deux populations est aussi radicalement différent ; ces personnes n'ont pas forcément les mêmes besoins ni les mêmes façons de fonctionner ensemble. Les EA pourraient être soutenues par leurs entreprises clientes qui pourraient bien contribuer à leur financement.
Un nouveau mode de calcul dès demain
C'est le calcul de la valeur travail qui devrait s'en trouver modifié. Au lieu d'acheter produits et prestations à hauteur des 50% de l'emploi dit "indirect", l'EA devra indiquer à son client, la valeur travail réalisée par ses salariés, valant sur une prestation en fin d'année. Au lieu de produire des Unités Bénéficiaires (UB), l'EA produirait une valeur travail permettant de minorer la contribution dans son ensemble. Un exemple : la société BROUM achetait en 2017, 100 000 euros de prestations de repassage qui donnaient droit à 75% de part main d'oeuvre. Cette dernière, en fin d'année, recevait une attestation de son fournisseur lui indiquant que la part main d'oeuvre valorisable était de 75 000 / 2000 fois le taux smic horaire.
A partir de 2019, la société BROUM recevra de son fournisseur en fin d'année, le montant de la part travail dans le cadre de son contrat avec l'EA, montant à déduire de l'obligation d'emploi. L'emploi indirect rejoindrait alors l'emploi direct dans un seul et même calcul. Les acheteurs en trouveront plus de bénéfices par la simplification des calculs et une ouverture facilitée du recours aux EA. L'État sera-t-il en capacité d'ouvrir un nouveau champ prometteur aux achats responsables et de simplifier le recours à davantage de diversité ? Juillet devrait permettre aux acheteurs d'obtenir les réponses qu'ils attendent.
Par Dominique du PATY de CLAM
Présidente Fondatrice Handiréseau
Publication : 06/06/2018